Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
Vom Netzwerk:
de Leone ?
    — Fort peu, en vérité. J’ai
entendu prononcer son nom pour la première fois par le gentil Agnan, lorsque le
comte et moi parvînmes à Alençon. Vous m’en avez appris davantage puisque,
grâce à vous, je sais maintenant qu’il est le neveu et le fils adoptif de
l’abbesse des Clairets, Éleusie de Beaufort. En revanche, je mettrais ma main à
couper qu’il fut le meurtrier de l’abject Nicolas Florin. Je n’ajoute aucune
foi à cette fable d’ivrogne de rencontre, lequel aurait poignardé le seigneur
inquisiteur qui vous torturait. (D’un ton plus sec, presque hargneux, Clément
ajouta :) Il n’a fait que nous devancer, madame, je vous l’assure.
Monseigneur Artus d’Authon n’aurait, lui non plus, fait nul quartier. Moi, pas
davantage.
    Agnès réprima un sourire :
    — Aucune incertitude quant à
votre valeur ne m’étreint. Vous êtes mes preux défenseurs.
    Clément s’agenouilla et
reprit :
    — Pour en revenir à ce
Francesco de Leone, je ne l’ai jamais rencontré. Néanmoins, je lui rends grâce
de son intervention, bien qu’elle nous ait privé de la nôtre. Je me demande…
    Clément repoussa de son bras
emmailloté une profusion de mauvaises herbes et s’interrompit brutalement. Une
question, parmi mille autres, lui trottait dans la tête depuis le retour
d’Agnès, depuis ses confidences étonnées au sujet du chevalier de l’Hôpital.
    Comme Clément l’écoutait ce soir-là,
assis au pied de son lit, la coïncidence lui avait paru si énorme qu’un doute
l’avait effleuré. Ce Francesco de Leone n’était-il pas le second rédacteur du
journal d’Eustache de Rioux ? N’ayant jamais avoué à sa dame la découverte
de la bibliothèque secrète des Clairets, Clément s’était abstenu de tous
commentaires qui eussent aussitôt mis la puce à l’oreille d’Agnès. Cette
omission banale – un ridicule mensonge de garnement souhaitant s’épargner
une réprimande - lui pesait depuis qu’il y voyait une dangereuse duplicité.
S’ajoutait à cela le sentiment confus qu’Agnès se trouvait au centre d’un
échiquier dont il ne parvenait pas à cerner les contours. Agnès et lui
l’avaient vite pressenti : les manigances d’Eudes de Larnay, demi-frère et
suzerain direct de sa dame, étaient guidées par beaucoup plus puissant et
redoutable que lui. Beaucoup plus déterminé également. Artus d’Authon avait
resserré l’inventaire des possibilités en situant leur ennemi au Vatican, un
Vatican privé de pape. En vérité, l’enchaînement des événements inquiétait
Clément : Agnès tombait aux mains de l’Inquisition. Apparaissait, comme
par enchantement, un chevalier hospitalier. Le monstre inquisiteur périssait
sous la lame d’un providentiel mais bien improbable ivrogne. Le jugement de
Dieu était déclaré et Agnès sauvée. L’hospitalier s’évanouissait dans la nature
à la manière d’un songe. Clément apprenait alors que Leone n’était autre que le
neveu adoré, le presque fils, de l’abbesse qui défendait le secret de la
bibliothèque des Clairets où se trouvait un carnet, rédigé par deux chevaliers
hospitaliers et consacré à une quête « sublime ». Ce journal
transcrivait des oracles, rapportait des découvertes astronomiques incroyables,
dévoilait deux thèmes astraux dont le signe solaire était en capricorne. Agnès
était née un 25 décembre. Se pouvait-il que l’un de ces thèmes la
désignât ? Et l’autre ? Les pièces se mettaient en place
progressivement, sans qu’il parvienne pour autant à comprendre la logique de la
partie qui se jouait. Un échiquier, en effet.
    — Que te demandes-tu ?
    La demi-pénombre dissimulait son
visage et son embarras. La jeune femme ouvrit la bouche pour répéter sa
question mais le hurlement de Clément l’interrompit :
    — Madame, madame… Regardez,
c’est merveille !
    Agnès courut vers lui. À genoux sur
le sol, il brandissait son caillou sombre auquel adhéraient quelques grains de
terre rougeâtre. Elle le lui arracha presque des mains, le tournant, le
retournant, médusée, luttant contre le soulagement, la joie féroce qu’elle
sentait monter en elle. Elle poussa du doigt les minuscules particules d’argile
qui semblaient aspirées par la facette irrégulière de la pierre d’attirance.
L’infime résistance qu’elles manifestèrent, luttant contre sa tentative de les
déloger, revenant se coller dès qu’Agnès les libérait de la

Weitere Kostenlose Bücher