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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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pression de son
index, lui fit monter les larmes aux yeux.
    Clément en bafouilla
d’émotion :
    — … Ah… la pierre de
Magnesia attire le sol ! C’est la preuve, c’est la preuve scientifique que
cette terre est surchargée de fer ! C’est une mine, madame. Votre ingrate
Haute-Gravière est une mine de fer et vous en avez l’usufruit jusqu’à votre
mort.
    Agnès perçut la pique destinée à
Mathilde dont la cruauté, la trahison ne lui avaient pas quitté l’esprit depuis
des semaines. Sa fille ne jouirait jamais des richesses de la
Haute-Gravière – si elles étaient confirmées, et Agnès n’en doutait pas –
du vivant de sa mère, à moins qu’elle se remariât. Eudes de Larnay non plus.
Dieu lui offrait une vengeance passive contre son demi-frère. Elle adressa une
muette prière de reconnaissance à madame Clémence, à ces voix, ces fantômes
aimants qui l’avaient soutenue durant sa captivité.
    Elle lutta contre l’envie de se
laisser couler vers cette terre qu’elle avait tant méprisée, tant détestée,
afin d’implorer son pardon, de la remercier de sa longanimité. Sans doute
eut-elle sacrifié à cette étrange repentance si elle avait été seule. Au lieu
de cela, elle se baissa, planta ses ongles dans ce sol qu’elle avait abhorré,
fouilla l’argile pour en extraire deux poignées boueuses qu’elle porta à ses
lèvres. Elle les baisa, les humant jusqu’à se persuader que l’odeur aigrelette
et métallique qui lui montait aux narines était celle de son salut.
    Lorsqu’elle rouvrit les yeux,
Clément la fixait, petite silhouette attendrissante plantée au milieu de cette
aridité sans concession.
    — Allez-vous bien,
madame ?
    — Oui… je vais au mieux, et
c’est là sensation que j’avais oubliée depuis longtemps, mon Clément. C’est
juste que je me sens assommée… Et je meurs de faim ! ajouta-t-elle.
    — La vie vous revient donc.
Rentrons, madame. La nuit est tombée.
    Agnès tira Églantine vers une souche
d’arbre afin de prendre un appel plus aisé et surtout moins douloureux puis se
hissa sur le dos de la grande jument. Elle hala Clément vers elle. L’adolescent
se laissa aller en soupirant contre son ventre.
    Ils s’en retournèrent à l’allure
soutenue de l’animal que la perspective de l’écurie proche vivifiait.
Réfléchissant à haute voix, Agnès résuma :
    — Admettons – car je n’ose
encore y croire tout à fait – admettons que la Haute-Gravière soit une
mine de fer. Poussons la spéculation plus loin en affirmant qu’il s’agit d’un
gisement fort riche… (Une peur délicieuse la fit frissonner et elle
chuchota :) Mais Clément, que fait-on du minerai, comment parvient-on à
l’extraire, à… que sais-je… le battre jusqu’à obtenir des serpes, des épées ou
des coutres [30]  ?
    — Messire Joseph vient encore à
notre secours. Quand je vous affirme que cet homme sait tout, même les règles
de l’exploitation minière ! Il nous faut d’abondantes ressources en
combustible et nous n’en manquons pas avec vos bois. Il nous faut également des
miniers, mais ils peuvent se recruter parmi vos serfs ou vos manœuvriers [31] , à charge pour vous de respecter la loi qui interdit le travail
d’extraction ou de transformation durant la période des moissons, car il serait
préjudiciable au bon entretien de la terre et à la subsistance de vos gens [32] .
    — De telles lois
existent ?
    — Certes, madame, et elles sont
de bon jugement.
    — Et comment diantre [33] sais-tu cela ?
    — Maître Joseph.
    — Ton Joseph serait-il
également juriste ?
    — Il est tout, madame. Il
déclare que connaître bien les lois de la terre qui vous accueille, c’est
éviter de fâcheux retournements.
    — Prouvant qu’il est
véritablement sage.
    Clément énuméra ensuite leurs
faiblesses :
    — Il nous faut également une
rivière d’eau suffisante pour entraîner le moulin qui animera les soufflets et
refroidira rapidement le fer battu. Or nous n’avons ni moulin, ni puissant
cours d’eau… Cela étant, il n’en manque pas à proximité et pourvu que nous nous
équipions de fardiers et de trains de bœufs, nous pourrons acheminer le minerai
vers l’un d’eux contre loyer et pourcentage qu’il conviendra de négocier au
plus juste.
    — Tu as réponse à tout, mon
prodigieux Clément, sourit-elle en lui caressant les cheveux.
    Une autre idée tempéra
l’enthousiasme d’Agnès et elle

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