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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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de ses pensées.
    — Faites-le pénétrer, à
l’instant.
    Le petit jeune homme s’inclina bas
devant lui. Pourtant rien dans son attitude n’indiquait la servilité.
    — De grâce, Clair, prenez
place.
    Clair Gresson, secrétaire
particulier de Guillaume de Plaisians, s’exécuta. Sa longue route depuis Paris
avait abandonné des cernes violacés sous ses yeux. Son manteau était alourdi de
la poussière blanche des chemins.
    — Éminence, j’ai accouru
aussitôt. Pardonnez ma mise de voyageur exténué.
    — Vous êtes tout pardonné,
Clair. Avez-vous des nouvelles d’importance ?
    — Certes, de trop d’importance
pour être confiées à un messager. Il me faudra ensuite repartir au plus vite.
Mon absence pourrait sembler suspecte et inquiéter mon maître, monsieur de
Plaisians.
    — Avez-vous enfin des
noms ?
    — Oh, j’ai bien mieux que cela
à vous offrir ! Un nom, un seul.
    — Vite ! lança Honorius
que l’excitation gagnait.
    — Monseigneur de Troyes.
    — Renaud de Cherlieu ?
    — En effet. Après moult
hésitations, la balance oscillant entre monsieur de Got*, archevêque de
Bordeaux, et monsieur de Cherlieu, cardinal de Troyes, Guillaume de Nogaret et
mon maître ont opté en faveur du second. Je ne sais s’ils ont eu raison d’un
strict point de vue pécuniaire, puisque les voix des Gascons eussent été
aisément acquises au premier. Cependant, monsieur de Got s’est montré très
réticent au sujet d’un procès posthume contre la mémoire de Boniface VIII qui
était de ses amis, même s’il a louvoyé avec davantage d’habileté au sujet du
Temple.
    Clair Gresson confirmait les
rapports des espions du camerlingue, rapports qui mentionnaient les deux noms
en lice. Pourtant, en raison de l’appui que lui apportaient les prélats
gascons, Honorius aurait parié sur la candidature de monseigneur de Got. Cela
étant, si l’archevêque, en dépit de sa finesse politique, avait refusé au roi
ce que ce dernier exigeait en contrepartie de son appui occulte, il avait perdu
du même coup le Saint-Siège.
    Un soulagement, presque dérangeant
tant il était devenu exceptionnel, inonda le camerlingue. Il savait enfin
contre qui lutter. Les moyens ne faisaient pas défaut. Rumeurs de nicolaïsme,
de commerce avec les démons, d’hérésie ou de tolérance vis-à-vis des déviances
religieuses, propagées au moment opportun, auraient raison de la candidature du
cardinal de Troyes. Honorius serait élu, non que la tiare papale le séduisît.
Toutefois, s’il fallait en passer par là afin de faire avancer sa mission, il
était prêt à s’y résoudre. D’autant que le rayonnement de Renaud de Cherlieu
n’était pas si éclatant que l’on puisse le craindre. Honorius allait devoir
puiser dans son trésor de guerre, distribuer les promesses, voire les mises en
garde, avec libéralité et jouer les agneaux s’il voulait une chance d’être élu.
Il en faisait son affaire.
    Une vraie tendresse lui vint pour ce
jeune Clair Gresson que ses thèses avaient séduit sans qu’il fût besoin de
pièces sonnantes et trébuchantes pour le convaincre. Un pur. Un pur comme
Benedetti, puisque la pureté a différents visages.
    — Je vous remercie infiniment,
mon ami. Étrange comme je prononce ce mot d’« ami » vingt fois par
jour sans jamais le ressentir. Il me faut vous le destiner pour que sa magnifique
signification m’atteigne à nouveau. Allez prendre quelque repos. Merci. Merci
de cette trêve d’avec l’angoisse que vous m’apportez.
    — Il me faut repartir au plus
vite, Éminence.
    — Soit. (Soudain gêné de ce
geste qu’il répétait pourtant si souvent, Benedetti repêcha une bourse dans le
tiroir de son luxueux bureau, hésita puis se décida à la tendre à son
interlocuteur.) Je… Tenez. Il ne s’agit ni d’un payement, ni d’une récompense,
mais…
    L’autre rougit jusqu’au front et se
leva en déclarant d’un ton sec :
    — Vous m’insultez, monsieur. Je
suis pauvre, certes, mais je ne me vends pas. J’ai crevé mes chevaux de louage
pour parvenir au plus vite jusqu’ici parce que je crois en votre vision. Les
hommes ne sont pas aptes à gouverner leurs vies. Sans nous, ils retourneraient
au chaos. Faudrait-il être rémunéré pour souhaiter la paix, ou du moins une
vivable approximation ? Cela étant, ne pouvant me l’offrir sur mes deniers
personnels, j’accepte le prix de mon voyage. Rien d’autre. La satisfaction
d’oeuvrer pour

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