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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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son petit pouvoir, les cuisses des filles et le vin.
Mais l’argent commençait de lui faire défaut, son pouvoir n’inquiétait plus
grand monde, hormis ses serfs, le vin le rendait malade de plus en plus
souvent, quant aux cuisses des filles, elles lui soulevaient le cœur.
    Il hurla :
    — Holà, quelqu’un à
l’instant ! Faut-il vous faire tous fouetter pour être servi enfin ?
    Un valet passa une tête prudente par
la porte et s’enquit d’aussi loin qu’il le pouvait :
    — Mon maître ?
    — Un baquet d’eau glacée, une
écritoire et une corne d’encre, et plus vite que ça !
    L’autre disparut pour revenir
quelques minutes plus tard accompagné d’une très jeune servante qui le suivait
à quelques pas, songeant que si un coup partait, elle avait une chance de
l’éviter.
    Le valet déposa à la hâte le baquet
sur le sol.
    — Abruti, sur la table !
Veux-tu que je me vautre à terre tel un chien ?
    L’homme s’exécuta et recula avec
précipitation. La fille, dans sa panique, faillit lâcher l’écritoire et un peu
d’encre éclaboussa le bois de la longue table. Eudes scrutait le moindre de ses
mouvements. Lorsqu’elle eut installé le coffret incliné, elle releva la tête.
    Une gifle mauvaise la déséquilibra
et elle s’affala sur le banc.
    — Idiote, maladroite !
Nettoie cette encre, avec ta langue.
    — Not’maître, non… par pitié,
geignit la gamine affolée.
    — Pitié ? Les gueuses de
ta sorte n’en méritent nulle. Nettoie ! À moins que tu ne préfères le
fouet. Décide-toi, l’impatience me gagne et tu pourrais bien obtenir les deux
en remerciement de ta balourdise.
    Les larmes aux yeux, la très jeune
fille s’exécuta. Eudes regarda fasciné sa langue aller et venir sur le bois
sombre de la table. Elle se redressa, les yeux baissés, et déglutit avec peine,
les lèvres et le nez tachés de noir.
    Une vague de nausée remonta dans la
gorge d’Eudes. Il éructa :
    — Disparais de ma vue,
disgracieuse ! Remercie le ciel de ma clémence. D’autres t’auraient rouée
de coups.
    La fille s’enfuit aussi vite qu’elle
le pouvait.
    Eudes lutta contre l’évanouissement
et parvint à se traîner jusqu’au baquet. Il y plongea la tête, retenant sa
respiration jusqu’à sentir ses jambes fléchir, espérant trouver le courage de
ne plus se relever afin d’inspirer goulûment. Le courage lui fit défaut, à
nouveau.
    Le froid de la salle le saisit
lorsqu’il s’installa devant l’écritoire. Des frissons parcouraient son crâne.
Il se demanda si ses cheveux trempés allaient bientôt geler. Un casque de glace
afin de réfléchir à une réponse, à une riposte.
    Un hoquet de rire le plia. Il
déclama son entrée en matière :
     
    Ma douce, ma féroce Agnelle,
    Je ne peux reconduire ta fille, en
ayant disposé au mieux de nos intérêts mutuels. Ne t’inquiète : l’hymen de
ta garce de pucelle est intact. Il ne me faisait pas saliver. Pourtant, Dieu
m’est témoin qu’elle le bradait avec enthousiasme et que notre sang commun lui
semblait de la roupie [82] de sansonnet. La morale de cette histoire est que l’on peut être
vierge et méprisable traînée.
     
    Au lieu de cela, son hilarité
disparue, il traça d’une plume lourde et incertaine :
     
    Ma bien chère Agnès,
    Votre lettre me prend de court et
m’alarme. Mathilde a quitté Larnay il y a déjà quelques semaines. La grâce l’a
touchée, sans doute en repentance de son inqualifiable conduite lors de votre
procès. J’en profite pour vous assurer que je fus moi-même berné par ses
affirmations. Quoi qu’il en soit, elle a souhaité rejoindre un monastère dont
j’ignore le nom et l’endroit mais m’a assuré vous avoir expliqué son choix,
choix que vous auriez approuvé.
    Je ne sais que penser de cette
affaire. Pouvons-nous, en notre âme et conscience, lutter contre une vocation
si forte et si pieuse ? Pouvons-nous la priver de cette unique possibilité
de rachat ?
    Vous le savez, comme toujours mon
aide vous est acquise.
    Je demeure à jamais votre très
attentionné Eudes.
     
    Il relut sa missive, gloussant par
instants.
    Vas-y ma belle. Que fais-tu
maintenant ?
    Vas-y Fouille tous les couvents du
royaume.
     

Abbaye de femmes des Clairets,
Perche, décembre 1304
    Ainsi qu’Annelette Beaupré l’avait
prévu, Sylvine Taulier comptait ses billes en marmonnant. Plongée dans son
maniaque inventaire quasi quotidien, elle ne découvrit la présence

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