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Le sang de grâce

Le sang de grâce

Titel: Le sang de grâce Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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entendu.
    — Qu’avez-vous répondu ?
    — Eh bien… que vouliez-vous que
je réponde… Rouge, si beau, si blessant que j’en ai pleuré. Du sang. Comme le
sang des pauvres victimes.
    — Quelle fut alors la réaction
de Francesco de Leone ?
    — Il m’a semblé… déçu n’est pas
le mot. Plutôt inquiet, atterré.
    — Atterré que son sang fût
rouge ?
    — Je vous l’ai dit : je
cherche toujours la signification de cette scène.
    Le grisant Sauvo-crestian [92] qu’on leur servit ensuite en issue parut presque écœurant à Artus.
Pourtant, son opulence n’avait d’égale que sa suavité.
    Une demi-heure plus tard, Artus
raccompagna le jeune clerc jusqu’à la maison de l’Inquisition, où il logeait
afin de le préserver de toute désagréable rencontre.
    Lorsqu’ils se quittèrent en amitié,
le comte d’Authon n’était guère plus avancé. Certes, l’amoureux en lui était
soulagé par les confidences d’Agnan. En revanche, l’homme se perdait dans un
dédale de suppositions.
     

Abbaye de femmes des Clairets,
Perche, décembre 1304
    Des novices avaient dû ce tôt matin
fendre l’eau des cuves afin que l’on réchauffât un peu les blocs de glace
destinés à la toilette. L’exercice les avait rosies et avait ankylosé leurs
doigts au point qu’elles les pinçaient sous leurs aisselles afin de les
dégourdir.
    La fille d’un bourgeois de Nogent se
tourna vers l’une de ses condisciples et murmura en confidence :
    — Il faut uriner dessus.
    À quoi l’autre répondit d’un ton
exaspéré :
    — Mais non, bécasse, ça, c’est
pour les engelures !
    Esquive s’était un peu écartée du
groupe et surveillait les hautes portes qui ouvraient sur le couloir desservant
le scriptorium puis les appartements de l’abbesse. Elle avait décidé de ne pas
bouder son plaisir au nom de la charité chrétienne. Après tout, l’affrontement
de deux fléaux faisait partie des nouvelles dont il était légitime de se
réjouir. À la vérité, elle piaffait d’impatience, quoi que donnant madame de
Neyrat victorieuse. Haut la main.
    Jeanne d’Amblin avait attendu le
jour naissant. Profitant de la levée d’interdiction de sorties, elle passa le
porche principal du mur d’enceinte, serrant contre elle un épais paquet carré
enveloppé de tissu bistré. Elle progressa avec prudence, à petits pas, aux
aguets. Elle ne parcourut guère plus de cinq toises, avant de les apercevoir,
avachis contre le tronc d’un des chênes qui signalaient le début de la forêt
des Clairets. Deux rustres, la trogne avinée et patibulaire. Les deux nervis à
la petite semaine engagés par Neyrat. Jeanne s’attendait à leur présence,
pourtant la rage la suffoqua. Les imbéciles, pour qui la prenaient-ils ?
Elle avait assez menti, trompé, tué pour se méfier de la moindre ombre. Une
bonne dizaine de toises les séparait encore, aussi les coquins firent-ils mine
d’être plongés dans une vive discussion, s’interpellant, se claquant les
cuisses de jovialité comme l’eussent fait de bons compères de route sans
arrière-pensée. Ils attendaient qu’elle se rapproche avant de lui tomber
dessus, de la tirer dans les fourrés pour lui arracher le paquet et sans doute
l’égorger. La tourière jeta un rapide coup d’oeil autour d’elle. Nul aux
environs. Nul pour l’aider car la portière chargée de la surveillance de l’huis
ne quitterait son judas que sur ordre formel de l’abbesse. Jeanne d’Amblin
ralentit encore l’allure, respirant profondément, puis tourna les talons et
fonça en direction du mur d’enceinte. Les deux coupe-jarrets comprirent
aussitôt que leur proie, donc leur bourse, s’échappait. Ils s’élancèrent,
tentant de l’intercepter. Jeanne perçut l’écho de leur course derrière elle.
Elle hurla :
    — Portière, l’huis… ouvrez
l’huis aussitôt ! On m’attaque. On attaque l’une des épouses du
Seigneur !
    Elle entendit le raclement de la
longue traverse de fer qui verrouillait la haute porte. Elle tourna la tête
sans ralentir. Les brigands n’étaient plus qu’à deux toises d’elle. Elle jeta
au loin, de toutes ses forces, le paquet enveloppé d’étoffe. L’un des vauriens
cria à l’autre :
    — Arrête, on l’a ! C’est
pour le paquet qu’on est payé. Les deux hommes obliquèrent et se ruèrent sur le
précieux butin. Jeanne se jeta sous le porche, criant :
    — Refermez, refermez à
l’instant !
    La jeune laïque

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