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Le sang des Borgia

Le sang des Borgia

Titel: Le sang des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mario Puzo
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Don Michelotto.
    — Père, l’affection que tu as pour lui n’a échappé à personne. Et je me fie à lui depuis l’enfance. Pour autant, sa vie est un mystère pour moi. Lui qui vient de Valence, comment peut-il si bien connaître Rome ?
    Le pape raconta donc à son fils l’histoire de Miguel Corello, dit Don Michelotto.
    — On l’appelle l’étrangleur ! dit César.
    — En effet, mon fils, mais il est bien plus que cela. C’est un meneur d’hommes, un soldat féroce, qui mourrait pour protéger notre famille : sa fidélité n’a d’égale que sa fureur. L’autre homme à qui tu peux te fier, c’est Duarte Brandao. Je ne sais pas grand-chose de son passé. Il y a bien des années, j’avais besoin d’un traducteur d’anglais, et on me l’a amené. Il avait été fait prisonnier par nos troupes, qui l’avaient à ce point roué de coups qu’il jurait ne pouvoir se souvenir de rien.
    — Et tu l’as gardé quand même.
    — Quand je l’ai vu, il était sale et misérablement vêtu mais, après un bon bain, je l’ai vu d’un autre œil. Il m’a fait penser à un certain Edward Brampton, un juif converti qui avait rendu bien des services au roi d’Angleterre Édouard IV. Je ne l’avais rencontré qu’une fois, mais il m’avait frappé, car c’était le seul juif jamais fait chevalier. On dit qu’il avait servi le frère du roi, Richard III, plus tard exécuté par les hommes d’Henry Tudor. Brampton a ainsi littéralement sauvé la flotte anglaise. Puis il a disparu, et c’est à peu près à la même époque que Brandao a été capturé à Rome. Les Tudor l’auraient tué s’ils avaient mis la main sur lui, aujourd’hui encore il lui faut se méfier de leurs agents.
    — Ce qui explique qu’il ait changé de nom… Il est vraiment juif ?
    — Si c’était le cas, il s’est converti : je l’ai vu recevoir la communion. Et cela fait sept ans qu’il sert l’Église plus religieusement qu’aucun autre. Jamais je n’ai rencontré d’homme aussi courageux, aussi intelligent, qui soit à la fois un bon soldat et un excellent marin.
    César prit un air amusé.
    — Père, peu m’importe qu’il soit juif, je pense simplement à ce que les gens diraient s’ils savaient que le pape a pour conseiller quelqu’un qui n’est pas chrétien.
    — Je suis ravi de ta réaction ! dit Alexandre, sarcastique. César, tu connais mon opinion à ce sujet. Quand Ferdinand et Isabelle d’Espagne m’ont demandé de faire emprisonner, torturer et exécuter les juifs qui pratiquaient leur religion en secret, j’ai refusé. Je leur ai dit que l’Inquisition espagnole était une abomination, comme leur manière de traiter les Juifs de leur pays. Les juifs nous ont donné la Loi, nous ont donné Jésus ! Devrais-je les massacrer parce qu’ils refusent de croire qu’il est le Fils de Dieu ? Non ! Je ne peux pas toujours empêcher la populace, voire certains de nos dignitaires, de les insulter ou de s’en prendre à eux, mais ce n’est certainement pas ma politique !
    À chaque élection, le nouveau pape se voyait présenter les lois mosaïques par le chef de la communauté juive de Rome. Tous les prédécesseurs d’Alexandre avaient jeté le livre à terre, scandalisés ; lui s’était contenté de le rendre avec respect.
    — Et quelle est ta politique, père ? demanda César.
    — Je ne leur ferai aucun mal ; je me contenterai de les taxer lourdement.

10
    Alexandre avait été trahi, à un moment crucial, par Virginio Orsini – son vassal et l’un des hommes auxquels il faisait le plus confiance. C’était là une offense qu’il ne prenait pas à la légère. Qu’Orsini ait par la suite été capturé, torturé et exécuté dans l’un des plus sinistres donjons de Naples n’apaisait en rien le désir de vengeance du pape.
    Cela devenait une véritable bataille entre le vicaire du Christ et Satan lui-même. Chef des États pontificaux, il savait qu’il lui fallait agir contre les aristocrates locaux, ces fripouilles cupides toujours occupées à se faire la guerre et – pire encore – qui ne tenaient aucun compte des ordres de l’Église, dont l’autorité était ainsi bafouée. Et alors, comment sauver les âmes pour le bien de Dieu ?
    Alexandre comprenait parfaitement que le pouvoir spirituel se devait d’être soutenu par la puissance temporelle. L’armée française s’était retirée, celles de la sainte ligue avaient dispersé ce qui restait de troupes

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