Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le sang des Borgia

Le sang des Borgia

Titel: Le sang des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mario Puzo
Vom Netzwerk:
informée de ses projets, lui interdisant ainsi de faire connaître son opinion. Elle se décida en apprenant qu’Alexandre avait envoyé à Pesaro un émissaire chargé d’annoncer à Giovanni qu’une procédure d’annulation du mariage allait être mise en route pour impuissance – seul motif acceptable juridiquement. Elle n’aimait guère le duc ; mais, s’il se voyait demander d’avouer une faiblesse à la fois imaginaire et humiliante, il refuserait tout net – et peut-être soupçonnerait-il ce qui se passait entre elle et César. Une telle idée répugnait profondément à la jeune femme.
    Après tout, c’était elle et non Giovanni qui, après la nuit de noces, avait refusé d’entrer dans le lit conjugal. Certes, reconnaître publiquement son impuissance valait toujours mieux que de périr par la dague ou le poison ; mais ce serait un coup mortel pour quelqu’un d’aussi arrogant. Il chercherait à se venger, ce qui mettrait en danger la papauté comme la famille Borgia.
    Le lendemain matin, Lucrèce s’éveilla à l’aube puis réunit plusieurs de ses dames de compagnie, qui l’accompagneraient au couvent de San Sisto. C’était en effet le seul refuge possible pour une femme voulant échapper au pouvoir de son mari et de son père.
    Julia et Adriana tentèrent de l’en dissuader :
    — Le Saint-Père ne connaîtra pas le repos tant que tu seras là-bas ! dit la seconde. Et il n’acceptera jamais de te voir partir !
    — Il n’y pourra rien, pour la bonne raison qu’il ne le saura que bien après mon départ !
    — Lucrèce, intervint Julia, donne-lui une chance de te dissuader, explique-lui tes raisons. Tu sais à quel point il est malheureux quand tu n’es pas là…
    — Je ne changerai pas d’avis ! répliqua la jeune femme, agacée. Si tu veux qu’il soit heureux, occupe-toi de lui comme tu sais si bien le faire ! Je n’ai pas à le satisfaire, ses projets ne tiennent aucun compte ni de mon opinion, ni du Père céleste !
    Adriana revint à la charge :
    — Lucrèce, tu as répété si souvent que tu étais malheureuse ! Et quand ton père, qui t’aime tant, essaie de fléchir un époux que tu détestes, voilà que tu lui tournes le dos ! Tout cela n’a aucun sens !
    Les yeux de Lucrèce se remplirent de larmes, mais elle ne pouvait se permettre de douter d’elle-même, sinon tout ce qu’elle aimait serait perdu. Sans répondre, elle serra les deux femmes dans ses bras, avant de leur donner ses instructions.
    — Attendez une demi-journée pour prévenir le Saint-Père. S’il s’inquiète, répondez que je suis en prières et ne souhaite pas être dérangée.
    Puis elle se tourna vers l’une de ses dames de compagnie et lui remit une lettre rédigée la veille au soir.
    — Donne ceci à mon frère le cardinal, et prends soin de la lui remettre en main propre.
    Le pape se montrait parfaitement rationnel pour tout ce qui touchait à l’Église ou aux affaires d’État ; mais il n’en allait pas de même quand il s’agissait de ses enfants. Apprenant que sa fille était partie s’enfermer dans un couvent, il en fut à la fois accablé et furieux.
    À quoi bon être pape, s’il ne pouvait se faire obéir de sa propre fille ? Comment pouvait-elle baiser son anneau, puis ne tenir aucun compte de son autorité ? Il convoqua César et Duarte Brandao, puis fit mander Don Michelotto.
    — Qu’ai-je donc fait à ma fille, que j’aime tant, pour qu’elle m’abandonne ainsi ?
    César, tête basse, garda le silence. Brandao répondit :
    — Votre Sainteté, c’est peut-être l’appel de Dieu.
    — Duarte, je t’en prie ! Ne me prends pas pour un sot ! L’heure n’est pas aux plaisanteries ! Il y a quelque chose que j’ignore, ou que je ne comprends pas.
    Brandao acquiesça de la tête :
    — Votre Sainteté, je ne voulais pas plaisanter, mais simplement vous dissuader de vous croire responsable des actes d’une enfant. À dire vrai, ce n’en est plus une, et je ne sais si elle veut échapper à une menace, ou réaliser de grandes promesses.
    — De quoi s’agit-il ? demanda Alexandre en se tournant vers son fils.
    Le regard de César croisa celui de son père. Jamais ils n’avaient discuté de cet amour qui comptait plus que tout pour lui ; il craignait qu’il ne soit encore plus précieux pour son père. Et César était certain de perdre la bataille face à Alexandre, dès lors qu’il était question d’amour ou de pouvoir. Le pape

Weitere Kostenlose Bücher