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Le sang des Dalton

Le sang des Dalton

Titel: Le sang des Dalton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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enfui aussi vite que j’ai pu, tandis que Bob continuait à regarder, fasciné, les mains au fond des poches de son imperméable.

17
    Nous nous sommes dirigés vers le Kansas, au nord-ouest, et nous sommes enfoncés dans les collines de Dog Creek pendant que trois détachements de plus d’une centaine de pieds tendres trimballant chacun un arsenal cliquetant se lançaient à notre poursuite dans des directions erronées. Vers quatre heures du matin, nous avons procédé au partage du butin d’Adair et Bob s’est chargé des calculs avec, comme toujours, une rapidité déconcertante, digne d’un joueur professionnel avec des cartes.
    Bitter Creek Newcomb a chapardé une vingtaine d’œufs dans le poulailler d’une ferme et les a fait frire dans une poêle avec de l’ail des vignes en décrivant la bague de fiançailles qu’il allait acheter à Rose Dunn, sa fiancée. Les autres ont baguenaudé autour du feu ou sont allés se laver le visage dans la rivière, tandis que je tâchais de faire un somme au milieu des feuilles couleur rouille de l’année précédente, en dépit d’un faucheux qui me marchait dans le cou et sur l’oreille.
    Si tant est que je dormis, je fis un cauchemar à propos d’Adair. C’était la première fois qu’on nous tirait vraiment dessus pendant une attaque, la première fois que j’avais eu peur de mourir. Au grésillement de l’ail que Newcomb faisait revenir au-dessus du feu de camp se superposaient les cris des détectives des chemins de fer, les détonations des armes, le sifflement des balles qui fendaient l’air à deux doigts de ma tête. Quand j’ouvrais les yeux, je voyais Powers qui bourrait sa pipe en écume ou qui bricolait son réveil, mais dès que je les refermais, je voyais des silhouettes qui couraient, les flammes des tirs, les étincelles jaillissant des barillets près de la remise  – ou le drugstore, la vitrine en verre poli et l’œil gauche éclaté du Dr W. L. Goff. Ça ne me semble plus vraiment réel aujourd’hui ; ça m’évoque plutôt des pistolets à amorces, du sang de poulet et des morts qui se relèvent en s’époussetant pour aller manger à la cafétéria des studios RKO. Mais ce matin-là dans les collines de Dog Creek, j’étais sacrément secoué et chaque fois que je songeais au Dr Youngblood, c’était Bob que j’imaginais à sa place ; il s’avisait de mon regard, tournait la tête, du sang lui coulait de la bouche. « Aide-moi, m’implorait-il. Je t’en prie, aide-moi… » Et je fuyais.
    J’aurais voulu arrêter, mais pas Bob ; lui n’était pas du tout hanté. Il traita Adair comme tous les autres coups et à l’issue de la distribution, il apporta à Bill son pourcentage dans une boîte à chaussures à Bartlesville et déjeuna là-bas de tomates grillées, avec sur les genoux la petite Grace, dont l’attelle en cuir et en métal était suspendue au dos de la chaise.
    Je peignais la crinière des chevaux avec une brosse à cheveux volée quand Bob reparut à la tombée du jour, émergeant des bambous sur sa monture avec des cernes verdâtres sous les yeux et de la poussière mêlée de menue paille dans les moindres replis de ses vêtements. Il nous a commandé de nous mettre en selle et nous nous sommes exécutés. Puis nous avons rejoint au pas Coffeyville, au Kansas, où nous sommes parvenus à deux heures du matin.
    Bob a tambouriné à la porte de l’auberge Farmer’s Home, dans la Huitième Rue, un établissement pas plus grand qu’une boutique de photographe. J’ai distingué le propriétaire qui dormait avec son épouse dans un lit en laiton dans la salle à manger ; il a gratté une allumette qu’il a introduite dans une lampe à pétrole, écarté les rideaux de la fenêtre et s’est retrouvé face à un jeune homme au regard sombre et maussade  – moi  – qui lui braquait sur l’œil un pistolet noir armé.
    Le pauvre homme a ouvert la porte à Bob, qui s’est engouffré à l’intérieur, suivi par Powers et le reste d’entre nous, martelant le tapis de nos bottes, ouvrant les vitrines et faisant rouler de la table un verre d’eau qui s’est bruyamment cassé par terre.
    La femme du propriétaire s’est redressée dans le lit en tirant le drap par-dessus sa chemise de nuit. Je l’avais jusqu’alors toujours croisée avec les cheveux tressés et enroulés de part et d’autre de la tête comme les écouteurs d’un casque, alors que là, ils lui tombaient pêle-mêle sur les

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