Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le sang des Dalton

Le sang des Dalton

Titel: Le sang des Dalton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
Vom Netzwerk:
cabriolet pour emmener des quarteronnes au bord d’une rivière au cours lent où il péchait le poisson-chat ou encore pour se rendre jusqu’à la cabane d’une squaw qui disait la bonne aventure en brûlant des cheveux. Quant à moi, je rédigeais tous les midis une lettre d’amour de deux pages avant d’apposer sur l’enveloppe, à l’encre brune, d’une écriture appliquée, l’adresse de Miss Julia Johnson. Puis la neige arriva. Nous chassions la caille et le lièvre. Grat coupait du bois pour une blanchisserie en ville et j’étais un habitué des jeux de palet derrière le magasin d’aliments pour bestiaux  – le seul de nous trois que les autochtones toléraient. Bob lisait le journal et la gazette hebdomadaire de la police chez le coiffeur. Il écrivit une lettre de huit pages à notre frère Bill en Californie et en reçut en retour une de seize.
    « Viens dans l’Ouest, frangin, lui conseillait Bill. Les femmes ont ici des cheveux de lin ; l’ambroisie colore d’or les champs. Tu pourras humer les eucalyptus et regarder le soleil s’éteindre dans l’océan. »
     
     
    Notre quiétude servait à détourner l’attention des habitants de Claremore de notre véritable occupation, car nous fauchions les uns après les autres les canassons des Cherokees et des métis afin de nous constituer une jolie petite armada que nous avions déjà prévu de vendre au Kansas. Nous avons écumé les étendues neigeuses pendant des nuits et lorsque, au printemps, tout ce qu’on appelait jusqu’alors les Territoires indiens  – à l’exception des réserves concédées aux « cinq tribus civilisées »  – devint le territoire de l’Oklahoma, nous disposions d’une vingtaine de bons chevaux.
    C’était au mois d’avril de l’année 1890. Il y eut des lancers d’enclumes, des barbecues et des prières collectives pour célébrer cette victoire de haute lutte de la civilisation et Bob et moi nous sommes offert une visite au bordel tenu par notre cousine issue de germains, Pearl Younger  – la fille de Cole Younger et de Belle Starr, la légendaire « reine des bandits »  – qui est montée avec Bob gratuitement, parce qu’il était de la famille, tandis que je patientais dans un rocking-chair en chintz de la salle de couture avec une prostituée de quatorze ans sur les genoux, qui m’écoutait causer de Julia Johnson. Et ce ne sont pas des histoires !
    « Comment elle se coiffe ? s’était renseignée ma compagne. Est-ce qu’elle a des barrettes en ivoire ? Moi, c’est pour ça que j’économise. Un type m’en avait promis deux, mais depuis, il a eu un lumbago et il est cané. »
    Mon frère était resté au lit avec Pearl pendant la plus grande partie de l’après-midi et il m’a plus tard rapporté que, tout en décrottant ses bottes avec une cuillère à café au-dessus d’un journal déplié par terre, il avait consulté sa petite-cousine qui paradait nue dans la pièce avec le ceinturon trop large et le pistolet de Bob autour de la taille.
    « Mettons que je rassemble une équipe comme celle de ton papa. Qu’en penserais-tu si c’était moi le chef ? »
    Ma cousine Pearl s’était penchée pour se regarder dans la glace de la commode et écarter quelques mèches de cheveux de ses joues.
    « Oh, je n’y connais rien à tout ça.
    — Ce pauvre vieux Grat, il est bête comme un bloc de sel et il le sait. Il est même pas capable de compter jusqu’à dix sur ses doigts. Emmett n’a que dix-huit ans et il est toujours à l’affût de ce que je vais bien pouvoir faire ; il n’est pas vraiment indépendant. Sans me vanter, à mon sens, je suis le meilleur candidat. J’ai de la jugeote, j’ai du cran et je n’ai aucun vice, à part “ça” et voler des chevaux. Au fond de lui-même, tout homme sait pour quoi il est fait. »
    Pearl avait débouclé le ceinturon et enfilé une robe de chambre. Elle s’était brossé les cheveux.
    « Tu me trouves jolie, Bobby ?»
    Il l’avait observée.
    « Plutôt.
    — Je n’estime pas “ça” immoral du tout, avait-elle déclaré. C’est comme ça que j’ai été élevée. »
     
     
    Bob et moi étions ensuite retournés à Wagoner, où Grat veillait sur notre armada. Comme je tenais à apporter un peu de distinction à notre écurie, j’ai convaincu mes frères que nous devrions faire une descente chez Bob Rogers pour nous emparer de ses bêtes de premier choix et de ses chevaux de course. Nous nous

Weitere Kostenlose Bücher