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Le sang des Dalton

Le sang des Dalton

Titel: Le sang des Dalton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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c’est mon tour de hurler. ») Il était aussi connu sous le pseudonyme de « Slaughter Kid », « Kid Massacre », car il avait un temps assisté le célèbre ranger John Slaughter au Texas. Il mesurait un mètre cinquante-huit  – c’était le plus petit cow-boy que j’aie jamais vu  – et les femmes le trouvaient mignon. Il avait le nez brûlé par le soleil, une moustache et une barbiche couleur carotte et il était couvert de taches de rousseur. Il avait généralement une chique de tabac grosse comme une balle de base-ball dans la joue et il s’était si souvent brisé les poings en se battant qu’il pouvait à peine fermer les doigts. Il n’avait aucune instruction, mais il était capable d’épeler son nom et de le graver sur son ceinturon ou son étui, à la veillée, au coin du feu, avec son poignard d’où se détachaient de petits serpentins de cuir. Il aimait se camper au milieu de la nature, tard le soir, les mains dans le dos, et fermer les yeux pour humer l’air. Son meilleur ami était un jockey nommé Charlie Pierce, qui trafiquait alors du bétail pour le compte d’Annie Walker, mais devait par la suite se joindre à nous et mourir comme Newcomb sur les terres de Bee Dunn en 1895.
    Blackface Charley Bryant, Charley « la gueule noire » Bryant, qui était lui aussi une connaissance du ranch Turkey Track, avait été victime d’une brûlure bizarre à la poudre noire qu’il expliquait différemment, chaque fois que la question venait sur le tapis. Un tiers de son visage était pâle et séduisant, mais le reste était un no man’s land marbré de bleu comme un mauvais tatouage d’où émergeaient des poils noirs qui l’obligeaient à se raser jusqu’à la hauteur de l’œil gauche. Il avait donc une prédilection pour la nuit et les recoins sombres, ce qui le faisait paraître revêche et distant. Il portait toujours son col de manteau relevé et son chapeau à larges bords baissé, et il appuyait sa joue cloquée sur son poing chaque fois qu’il prenait place à une table. Il était mauvais, têtu, peut-être même cinglé. Il avait un jour cassé le petit doigt d’une prostituée rien que pour s’amuser. Hormis Bob et Grat, je n’ai jamais rencontré personne qui ne soit intimidé par Blackface Charley Bryant. C’était tout juste s’il m’adressait la parole. Sans doute savait-il qu’il n’obtiendrait que des balbutiements de ma part. Il rallia les monts Ozark à cheval en trois jours, avec à sa suite une mule chargée de haricots, de farine, de levure et de jambon cru enveloppés dans de la toile imperméable, et William McElhanie le rejoignit à un moulin où Bryant s’était arrêté pour abreuver ses bêtes.
    McElhanie était une grande gueule aux cheveux paille qui avait un an de moins que moi et travaillait sur une selle depuis qu’il en avait six, si bien qu’il boitait un peu des deux guibolles. Il estimait avoir du succès auprès des femmes et se vantait d’avoir violé deux squaws choctaws, une nonne mexicaine et une fillette de couleur âgée de neuf ans, même si ce n’était vraisemblablement que des fanfaronnades piochées dans un magazine. Il n’aurait normalement eu aucune chance d’intégrer la bande, mais il adulait Bob et son empressement flattait mon frère. McElhanie était parfois incapable de parler d’un autre sujet que Bob. Il changea de ceinturon pour avoir le même que celui de Bob ; il étudia la façon dont Bob coupait sa viande ; il troqua une boîte de cartouches contre l’une des chemises de Bob et ne la quitta pas d’une semaine. Un jour, il me confia : « Tu sais ce que je viens de demander à Bob ? Je lui ai demandé quelle était la personnalité américaine qu’il respectait le plus, histoire de pouvoir ensuite me documenter. Bob m’a répondu : Alexander Hamilton [2] . Ça montre un peu comment il est calé. J’avais jamais entendu causer d’Alexander Hamilton. Rien n’échappe à ton frangin. »
    McElhanie et Bryant s’étaient enfoncés dans les monts Ozark jusqu’à ce qu’ils croisent une grosse bonne femme aux cheveux réunis en chignon, qui nourrissait des gorets dans un enclos et leur avait révélé qu’elle avait aperçu plus haut dans la montagne deux étrangers qui traînaient une ribambelle de chevaux derrière eux.
    McElhanie avait adressé un clin d’œil à Bryant et ils avaient poursuivi leur ascension, parvenant à notre camp une heure plus tard, sous la pluie. Nous avions

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