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Le sang des Dalton

Le sang des Dalton

Titel: Le sang des Dalton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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se leva et partit.
     
     
    Mon frère Bob et McElhanie avaient dans un premier temps dormi dans le cellier à fruits de mon frère Littleton, qui avait dans les trente-cinq ans, mais se comportait comme s’il était bien plus âgé. Il avait une épouse sévère, une barbe noire qui le faisait ressembler à un mormon, il ne décrochait presque jamais un mot et sa femme et lui allaient se coucher tous les soirs à huit heures. Bob décréta que c’était le purgatoire, aussi McElhanie et lui passèrent-ils ensuite le plus clair de leur temps chez notre cousin Sam Oldham, qui possédait une maison à un étage près de Kingsburg, à jouer au rami ou au pitch [3] et à marcher dans la rue à la hauteur de filles qu’ils ne connaissaient pas, en vue de s’aboucher. Ils se rendirent un samedi soir à un bal à l’hôtel Brick, où ils jouèrent les durs et se pavanèrent du côté de la salle réservée aux dames, le pistolet dans le pantalon, disposé de manière à suggérer une érection. Pour finir, un conseiller municipal mielleux flanqué de deux gros bras avait interrompu Bob durant une danse pour l’informer que les voyous armés n’étaient pas les bienvenus en ville, puis plus tard, Bob avait eu une empoignade avec deux cochers et, au matin, il s’était réveillé sur un oreiller encroûté de sang.
    Le lendemain, Bob et McElhanie abandonnèrent Kingsburg ; ils embarquèrent leurs chevaux dans le wagon à bestiaux et prirent place dans la voiture fumeurs à l’avant du train numéro 17, surnommé l’Atlantic Express, qui reliait San Francisco à Los Angeles. Ils séjournèrent pendant deux jours dans une station thermale, où ils prirent des bains de vapeur, burent de l’eau minérale et jouèrent au bowling sur une pelouse verdoyante. Bob écrivit une lettre à l’intention d’Eugenia Moore qu’il adressa au ranch de Jim Riley. Ils mangèrent des oranges cueillies à même l’arbre et retroussèrent leur pantalon pour patauger dans le Pacifique. McElhanie s’avança dans l’océan jusqu’aux genoux et se retourna vers mon frère, radieux.
    « Je dirais que c’est là un bien bel exploit pour un simple vacher de l’Arkansas, se rengorgea-t-il.
    — William, tu auras une vie longue et heureuse », commenta Bob.
    Lorsqu’ils retournèrent chez notre frère Bill, Bob offrit à ses nièces des poupées avec des têtes en porcelaine et envoya à notre mère deux billets de cinquante dollars à l’effigie de Ulysses S. Grant.
    Le shérif O’Neill ne vint pas pour le repas de Noël, alors qu’il avait pourtant accepté l’invitation et Breckinridge s’attarda à peine le temps de se rendre compte depuis le seuil que Bob était là et de placer ses cadeaux sous le sapin.
    « Qu’est-ce qu’il y a ? s’émut Bob. On est contagieux ?
    — Non, c’est juste que vous êtes des suppôts de Satan », blagua Bill.
    Un matin, comme il ressortait des cabinets, uniquement vêtu de son pantalon, Bob remarqua un homme avec des ulcères violacés sur le visage qui le fixait, juché sur son cheval, mais l’inconnu s’éloigna sitôt que mon frère soutint son regard. Quelques instants plus tard, alors qu’il traversait la cuisine en boutonnant sa chemise, Bob avisa Bill debout près de la fenêtre du séjour, dont il tenait écartés les rideaux de dentelle.
    « Je crois qu’il est temps que vous nous quittiez », annonça Bill.
    Bob et McElhanie obtempérèrent. Ils chevauchèrent jusqu’au comté de Tulare, où ils plantèrent le camp près d’une voie ferrée, au milieu d’arbres fruitiers, et bouquinèrent des livres qu’ils avaient empruntés, imprimés sur du papier si fin que vous discerniez vos doigts au travers, et dont Bob se lassait au bout de dix ou douze pages, de sorte qu’il était sans cesse en train de fourrager dans le sac. Grat lui apporta une lettre écrite à l’encre rouge qu’Eugenia Moore avait postée six semaines plus tôt et qu’elle avait signée Daisy Bryant. Elle y disait qu’elle en avait assez de jouer à la maman et à la nounou avec tous « les cow-boys à six mains » du ranch de Jim Riley.
    Des flocons mouillés tombaient derrière la vitre, elle écrivait à la lueur d’une bougie et Bob lui manquait terriblement. Mon frère lut la lettre à voix haute à McElhanie, puis se la fit relire par Bill. Quand McElhanie et lui firent un saut à Fresno pour le week-end en février, Bob oublia derrière lui, près du feu, une paire d’éperons

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