Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
serré, alignés comme des soldats au garde-à-vous, le visage fermé.
— Quant à vous, leur dit Varius, je vous prie de bien vouloir m’apporter ces boucliers que vous gardez dans la Regia.
Celui qui était à la tête de cette confrérie s’appelait Titus Fera et portait le titre de magister. Il fit un pas en avant pour prendre la parole. Moins courageux que la grande vestale, il avait du mal à maîtriser les tremblements nerveux de ses mains.
— Et je désire que tu me les apportes tous ! précisa l’adolescent. À moins que tu saches lequel est vraiment doté de pouvoirs magiques, auquel cas tu pourras conserver les onze autres.
— Je l’ignore, César, répondit le salien. Depuis que le roi Numa, il y a des siècles, a fait reproduire le bouclier pour décourager les voleurs sacrilèges, personne ne sait lequel est d’essence divine.
— Tant pis, fit Varius en levant son sceptre dans un geste impérial. Je prendrai les douze.
Titus Fera, qui feignait toujours d’accéder à la demande de l’empereur, mais qui se désespérait intérieurement à l’idée que celui-ci s’emparât des boucliers, eut soudain l’idée d’une parade.
— Le problème, César, dit-il pour dissuader l’empereur, c’est que je ne suis pas certain qu’il y en ait même un seul qui soit vraiment magique.
Varius cligna des yeux.
— Que veux-tu dire ?
Le prêtre salien s’avança vers le trône de l’empereur, faisant mine de vouloir l’entretenir sans que les autres l’entendent.
— Approche, fit Varius. Et explique-toi !
Le magister fit semblant de prendre un air embarrassé et jeta, derrière son épaule, en direction des autres, un coup d’œil gêné.
— Je ne sais pas si j’ai le droit de te confier ce secret, fit-il avec une fausse réticence, pour faire croire à Varius qu’il était torturé par un vrai cas de conscience, mais on dit que tous les boucliers sont des faux…
— Les douze ?
— Oui, les douze, César. On dit qu’un grand pontife aurait, jadis, fait fabriquer à son tour douze copies et caché les originaux de Numa. Malheureusement, il est mort sans avoir jamais révélé l’endroit où il les avait mis. Ainsi, César, je m’en voudrais terriblement de te laisser croire que tu possèdes un objet sacré alors qu’en réalité, il ne s’agit peut-être que d’une vulgaire contrefaçon. Sans compter que ton dieu serait certainement contrarié d’une telle supercherie.
Varius le dévisagea d’un air mi-sceptique, mi-ironique.
— Et vous gardez des objets dont vous n’êtes même pas sûrs qu’ils soient divins ?
— Le peuple, lui, le croit, répondit Titus Fera. Seul cela importe.
Le jeune empereur eut une grimace dégoûtée :
— Si tes boucliers ne sont pas magiques, tu peux te les garder !
Le salien s’inclina respectueusement et alla rejoindre le reste de sa confrérie, tandis que Metella lui adressait un regard triomphant. Quant à Varius, il s’enfonça dans son trône, avec l’air renfrogné et hargneux d’un petit chien prêt à mordre, mais qui n’a rien à se mettre sous les crocs. Il laissa tomber son sceptre par terre et croisa les bras pour bouder.
Le jour touchait à sa fin lorsqu’il fit irruption, accompagné de six prétoriens et de Valerius Comazon, dans le temple de Vesta.
Il savait qu’à cette heure-ci le temple était vide, les prêtresses s’étant retirées dans leur maison pour dîner.
Il pénétra dans le bâtiment rond et ses yeux mirent plusieurs minutes avant de s’habituer à l’obscurité. Comme il ne parvenait pas à voir distinctement autour de lui, il ordonna à l’un des gardes d’allumer une torche.
Sur l’autel de marbre placé au centre, reposait un grand vase à l’intérieur duquel brûlait le Feu sacré. Mais Varius l’ignora et balaya du regard l’intérieur du temple, cherchant dans la pénombre quelque chose qui ressemblât à la statue de Pallas-Athéna.
— Où est-elle ? demanda-t-il à Valerius Comazon. Je ne vois rien.
— Peut-être est-elle là-dedans ? suggéra le préfet en lui désignant, de l’index, une sorte d’armoire en bois.
Varius s’approcha du meuble et l’ouvrit. Sur un morceau d’étoffe noire reposait une idole de pierre, visiblement très ancienne, d’une couleur indéfinie et aux contours grossiers.
La forme arrondie, qui surmontait sa tête sans visage, ressemblait vaguement à l’ébauche d’un casque à cimier. Sa main érodée
Weitere Kostenlose Bücher