Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
très officielle, assis sur son trône, drapé dans la robe pourpre, le front ceint d’un diadème et le sceptre fièrement tenu dans la main droite. Autour de lui, près de l’abside centrale, se tenaient ses familiers, Maesa et Soemias, Gordius et Protogène.
Metella, la grande vestale, coiffée de son long voile et de ses bandelettes, avança la première jusqu’au trône, précédée de son licteur.
Lorsque Varius lui eut fait son audacieuse demande, la prêtresse le fixa d’un air sévère.
— César, dit-elle durement, en levant ses mains noueuses vers l’empereur, tu es pontifex maximus. Tu dois donc savoir que personne, pas même toi, n’a le droit de formuler une telle requête.
Puis, en jetant un coup d’œil méprisant vers Gordius et Protogène, elle ajouta, pour tempérer sa remarque :
— Mais tu auras certainement été mal informé.
Varius fit tourner nerveusement son sceptre d’or dans sa paume.
— Je suis grand prêtre du Soleil, fit-il remarquer à la vestale. Et ma prêtrise prévaut sur le grand pontificat. Je suis le médiateur entre les puissances célestes et la terre, entre les dieux et les hommes. Je suis entièrement habilité à fixer les règles de tous les cultes et de tous les rites.
La vestale serra ses mâchoires anguleuses.
— Si tu déplaces le Feu perpétuel, le prévint-elle, il s’éteindra. Alors Rome sera détruite.
Varius haussa les épaules et eut une moue irritée. Les grands airs de la prêtresse commençaient à lui porter sur les nerfs.
— Pfff ! dit-il en ricanant. Votre feu n’est pas perpétuel puisqu’on doit le rallumer tous les ans !
Il savait que, chaque année, le premier jour du mois de mars, les vestales ranimaient les flammes bienfaitrices de la cité, à l’aide de deux morceaux de bois prélevés sur un arbre de bon augure.
— De toute façon, ajouta-t-il avec dédain, je me moque de votre Feu sacré. Pour moi, il n’y a de feu divin et inextinguible que celui d’Élagabal…
Une expression de soulagement passa sur le visage émacié de la grande prêtresse.
— En revanche, poursuivit l’empereur, je souhaite que tu m’apportes le Palladium.
— Il en est du Palladium, répondit la vestale, comme du Feu de Rome et de tous les autres sacra. Il ne peut pas être déplacé.
Varius eut un geste d’impatience et tapa le sol du talon.
— Est-il exact que cette statue d’Athéna soit tombée du ciel ? demanda-t-il.
— C’est vrai, confirma la vestale.
— Dans ce cas, si cette statue est réellement céleste, elle sera parfaitement à sa place dans l’Élagabalium, en compagnie de la pierre noire, qui elle aussi provient des cieux. Et je peux t’assurer qu’elle sera mieux logée dans le grand temple plutôt que dans sa minable petite rotonde du Forum ! Et puis, ajouta-t-il très sérieusement, il y a longtemps déjà que je pense donner une épouse à Élagabal. J’espère que de cette union divine nous naîtra un enfant.
À l’annonce de ce vœu aussi insensé que ridicule, Maesa leva les yeux au plafond.
— En voilà une idée ! Comment un caillou et une statue peuvent-ils faire un enfant ? demanda, d’un air perplexe, Protogène à Gordius.
— Ils le peuvent, si c’est Antonin qui le dit, répondit son voisin en lui envoyant un coup de coude. Ne t’avise jamais de lui poser ce genre de question, ni surtout en ces termes…
La grande vestale rabaissa son voile sur son front.
— Je ne peux te donner le Palladium, fit-elle sèchement, sans se laisser démonter. Les dieux ne me pardonneraient pas cet acte impie, fût-il ordonné par César.
Varius resta un instant confondu devant cette farouche détermination et ce refus catégorique qui frisait le crime de lèse-majesté. Mais pour l’enfant mystique qu’il était, un tel esprit d’abnégation et de sacrifice méritait le respect.
— Soit, dit-il en faisant signe à la grande prêtresse de se retirer, si tu ne veux pas me l’apporter, je viendrai le prendre moi-même.
Puis, comme si l’affaire était entendue, il s’adressa aux douze saliens, les prêtres voués au culte du dieu Mars et qui avaient la garde des boucliers échancrés.
Ces derniers avaient revêtu, pour se présenter devant l’empereur, le costume particulier qu’ils portaient lors des cérémonies d’ouverture et de clôture de la saison de la guerre : ils avaient tous passé la tunique courte, la cuirasse et le bonnet conique. Ils se tenaient en rang
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