Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
de Sidé, il errait dans les bois… Silencieuse était la fille de Tyndare, trompée par le fils d’Astrée…»
— Oh, la paix ! s’écria Claudius en se bouchant les oreilles.
Varius frappa dans ses mains avec une lenteur amusée. Un sourire espiègle et condescendant dansait aux coins de ses lèvres entrouvertes :
— Allons ! dit-il pour mettre fin à la petite brouille entre ses admirateurs. Terminons vite cette partie et jouons à autre chose !
Lorsque les tali ou le jeu des noix finissaient par les ennuyer, l’empereur et ses amis passaient généralement à d’autres distractions. Les jours précédents, ils avaient imaginé de nouvelles recettes de cuisine et Varius s’était distingué en inventant des quenelles d’huîtres et de squilles. Après quoi, ils avaient remplacé l’eau des piscines par des roses en fleur et de l’essence de nard. Aux interminables parties de latrunculi (111) ou de micatio (112) succédaient parfois les danses, les mimes, les concours de chant et de flûte et les farces infantiles.
Toutes les fantaisies qui leur passaient par la tête constituaient une occasion de s’amuser. Parfois, l’empereur insouciant et ses parasites se divertissaient en jouant des tours pendables aux esclaves du palais. Ainsi, la semaine précédente, ils avaient ordonné aux domestiques de leur ramener un phénix et la veille, de courir toutes les maisons de Rome pour leur rapporter mille livres de toiles d’araignées et dix mille souris.
— Si nous jouions aux songes ? proposa Myrismus.
Il suggéra que chacun à son tour racontât son dernier rêve mais Gordius et Protogène déclarèrent d’une seule voix que la chose manquait totalement d’intérêt.
— Alors jouons aux gages ! proposa encore Myrismus.
Ce fut Claudius qui cette fois eut un geste désapprobateur et s’écria de sa voix haut perchée :
— Hors de question ! Personne ne m’obligera plus à friser les poils des lions ! Ou à faire la poule dans les couloirs du palais, couvert de plumes et en battant des ailes !
Au souvenir de cet épisode mémorable qui les avait beaucoup réjouis, Varius et ses favoris partirent dans un éclat de rire irrépressible.
Ce fut dans ce bruit, cette joie tapageuse et puérile, que Maesa et Valerius Comazon firent leur arrivée.
La vieille princesse dévisagea avec une répulsion évidente son petit-fils, sa robe de soie et sa bouche maquillée.
— Comazon vient de m’informer d’un événement important, dit-elle, glaciale.
L’adolescent ne parut pas l’entendre, se contenta de secouer ses mèches blondes avec insouciance :
— Je viens de gagner deux cents sesterces en un seul coup, grand-mère. C’est mon jour de chance.
— Ta chance ? fit Maesa en lui jetant un regard méprisant. On dirait bien qu’elle tourne, mon pauvre enfant.
Le visage de Varius, contracté un instant, reprit aussitôt une expression blasée :
— Si tu es venue pour me verser à pleine coupe le vin de ton indignation, dit-il en grimaçant, tu peux repartir. Tu ne vois pas que je m’amuse ?
Maesa se retint d’éclater. Comazon lui mit une main sur l’épaule pour la calmer.
— Deux hommes ont essayé de te voler ton trône, annonça la Syrienne d’une voix qui tremblait d’impatience. La chose te semble-t-elle suffisamment grave pour m’écouter ?
Son petit-fils ne daigna même pas l’honorer d’un coup d’œil. Il fit s’entrechoquer les osselets dans son gobelet.
— Combien misez-vous ? demanda-t-il à ses compagnons. Combien êtes-vous prêts à perdre ?
Mais la main de Maesa vint s’abattre lourdement sur la table, interrompant brutalement le coup qu’il s’apprêtait à jouer.
— Vas-tu m’écouter ? gronda-t-elle, rouge de colère. L’un d’entre eux, Seius Carus, a tenté de soulever la garnison cantonnée à Albanum ! L’autre, Valerianus Paetus s’est rendu en Cappadoce pour se rallier les soldats !
Varius haussa les épaules :
— Mais ils ont échoué… Non ? Pourquoi m’ennuies-tu avec cette histoire, puisqu’ils ont été arrêtés ?
Maesa le dévisagea avec stupéfaction.
— C’est exact, répliqua-t-elle, décontenancée. J’ignorais que tu étais au courant.
— Il se trouve que j’ai aussi mes informateurs.
Et, se retournant enfin vers sa grand-mère, il croisa les bras avec un sourire infatué :
— Bien ? Quoi d’autre ?
— Ces hommes sont en route pour le palais, poursuivit Maesa. Je
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