Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
s’éloigner, suivie de Valerius Comazon, l’empereur appela ce dernier d’une voix aiguë :
— Comazon ?
L’autre s’arrêta net.
— Oui, César ?
— Tu me sembles plus fidèle et dévoué à ma grand-mère qu’à ton empereur… Comment se fait-il que tu aies laissé ces deux individus, ce Carus et ce Paetus, comploter contre moi ?
— Je n’étais pas au courant César, se défendit le préfet. Mais dès que j’ai été informé de leurs projets, j’ai immédiatement pris les mesures qui s’imposaient.
— Il aurait fallu les en empêcher avant, objecta Varius.
— Comment aurais-je pu prévoir ?
— Tu aurais pu, si tu avais voulu.
Il fit l’une de ses moues espiègles et enfantines :
— Sais-tu quel est ton problème, Comazon ?
— Non, César.
— Ton problème est que tu es trop occupé à suivre Maesa partout, comme un vieux bouc en rut.
— Je… Je te demande pardon César ?
— Tu as parfaitement entendu, ne fais pas l’innocent. Je me fiche pas mal que tu couches avec ma grand-mère, mais il est évident que cela te détourne de tes responsabilités.
Maesa, qui n’avait rien perdu de l’échange, haussa les épaules avec un immense découragement, presque prise de pitié.
— Tu es fou, murmura-t-elle. Garde tes insinuations ignobles.
— César, intervint à son tour Valerius Comazon, littéralement cramoisi, je… Oh non ! Maesa et moi… ? Quelle idée !
Varius dévisagea son préfet d’un air de commisération amusée :
— Tatata ! ricana-t-il. Menteur…
Et, se redressant sur son lit, il fit signe à Comazon de se pencher vers lui.
— Gros coquin ! s’exclama-t-il en lui donnant une tape sur le bout du nez avec son index. Tu auras désormais tout le loisir de te consacrer à ma chère grand-mère : je te libère de tes fonctions de praefectus urbi.
Maesa serra ses mains fermées, ramassa ses forces pour l’affronter.
— Tu oublies que c’est en partie à Valerius que tu dois ton trône ! Sans son aide, nous n’aurions jamais vaincu Ulpius Julianus à Raphanae ! Serais-tu devenu ingrat ? As-tu oublié qui sont tes vrais amis ?
— Mes amis sont ici, autour de moi, répliqua Varius en se mordillant négligemment l’ongle du pouce. Je n’en vois pas d’autres.
Puis il tendit son bras nu, à la chair rose et potelée, vers son favori Myrismus.
— Comazon, je te présente ton remplaçant !
— Lui ? fit Maesa livide.
— Pourquoi pas lui ?
— Parce que c’est un…
— Un ?
La vieille princesse dévisagea successivement les favoris qui ricanaient, le coiffeur Claudius devenu préfet de l’annone, le cocher Gordius devenu préfet des vigiles et maintenant ce Myrismus de malheur qui recevait la préfecture de la ville.
— Un moins que rien ! s’emporta-t-elle.
L’adolescent lui sourit malignement au nez, de ce large sourire provocant qui laissait voir ses belles dents blanches et creusait des fossettes irrésistibles au creux de ses joues.
Mais, dès que Maesa eut tourné les talons, l’arrogance fanfaronne de l’empereur retomba comme un soufflé. Sa gaieté malicieuse céda la place à un soudain accès de mélancolie. Son visage aux expressions changeantes, comme celui d’un comédien, passa successivement de l’ironie gamine à une espèce de gravité morbide.
— Voilà, maintenant, je n’ai plus envie de jouer ! annonça-t-il, maussade.
Claudius, aussitôt, s’alarma exagérément :
— César, es-tu malade ? Tu es tout pâle !
— C’est à cause de ma grand-mère, gémit l’adolescent. Elle me fait toujours cet effet-là. Elle me donne envie de me jeter dans le Tibre !
— Tu devrais t’éloigner de Rome quelque temps, suggéra Euboulos. Pourquoi ne pars-tu pas te reposer à Tibur ou à Tusculum ?
— Si je quitte Rome, qui sait ce que cette vieille pie manigancera dans mon dos…
— Que veux-tu qu’elle fasse ?
— Je préfère ne pas l’imaginer, répliqua Varius d’une voix morne.
Le cri strident d’un perroquet échappé d’un bosquet le fit sursauter.
— Je la déteste, dit-il en se recroquevillant sur son lit de repos.
Claudius, d’un air malheureux, promena son regard sur le corps prostré de l’empereur, perturbé, autant que les autres, par cette saute d’humeur incompréhensible et pourtant familière.
Il se pencha, posa une main tendre et compatissante sur les cheveux bouclés de l’adolescent. Mais il eut beau se pencher sur
Weitere Kostenlose Bücher