Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
hommes réputés pour la grosseur de leur mentula ! Non content d’inviter ces individus ignobles à partager sa couche, il les comble d’honneurs, leur offre des pensions, les nomme aux plus hautes charges de l’Empire ! Son dernier amant vient à l’instant d’être élevé préfet de la ville !
— Myrismus ?
— Oui, Myrismus, ce minable que Protogène, ton amant, a été dénicher dans un taudis de l’Argilète ! Varius traîne avec lui tous les après-midi dans les thermes et tous les deux n’hésitent pas à palper les attributs des baigneurs… Est-ce là les distractions d’un homme à qui l’on a confié un Empire ? Et que dire de ses autres préfets ? De cet inverti de Claudius, qui le suit comme son ombre et avec lequel il visite toutes les nuits les cabarets de la ville en perruque ? Mais s’il n’y avait que ces débauches sordides ! Les obscénités dont Varius fait parade sont les moindres excès qu’on peut lui pardonner.
Soemias ouvrit la bouche pour parler mais, sans lui en laisser le temps, sa mère poursuivit d’un ton furieux :
— Ses orgies et ses dépenses insensées mettent à mal les finances de l’État. Il se moque ouvertement des dieux romains, auxquels il refuse de rendre les hommages traditionnels, il se trémousse sur l’esplanade du temple solaire, maquillé et couvert de bijoux comme un corybante (113) ! Il ne vit entouré que de ses magiciens, de ses minables cochers et de ses petits gitons ! Il refuse de recevoir les sénateurs mais invite à sa table des manchots, des boiteux, des voleurs et des filles de plaisir ! Et comme si cela ne suffisait pas, il a encore fallu qu’il viole le sanctuaire de Vesta, qu’il s’empare du Palladium et qu’il enlève une prêtresse ! Il n’est pas un sacrilège dont il ne peut se vanter !
Elle s’interrompit un instant pour reprendre son souffle et, avec une hauteur magistrale, lui déclara :
— J’ai été tolérante jusqu’à l’extrême limite de ma patience. Mais Varius est allé trop loin, et de patience, je n’en ai plus.
— Eh bien, parle-lui, répliqua sa fille en soupirant.
— Je suis une vieille femme, Soemias. Je ne me sens plus la force de tempérer les vices de Varius ni de combattre sa folle obstination. Et je ne veux plus être la seule à me dresser contre lui. Je suis fatiguée. Oui, je suis épuisée de ces luttes quotidiennes, de ces affrontements avec un enfant qui m’est devenu un étranger, de ces disputes qui ne mènent à rien. Tu m’as reproché un jour de me servir de Varius pour satisfaire ma propre ambition et tu avais en partie raison : j’ai caressé le rêve que notre famille régnerait pour longtemps sur Rome, j’ai nourri l’espoir de rendre la gloire des Bassianides éternelle… Mais je réalise aujourd’hui qu’à ce stade de l’aventure, mon rêve se révèle finalement impossible. En tout cas en la personne de ton fils.
— Varius est jeune ! protesta Soemias. Il faut lui laisser le temps de grandir.
— Il a eu tout le temps de grandir ! Il aura bientôt dix-sept ans mais il ne semble pas s’assagir avec les années. Si nous ne lui faisons pas entendre raison, nous courons à la catastrophe !
— Tu vois toujours tout en noir ! Ce ne sont pas les petites fantaisies de Varius qui vont mener l’Empire à sa perte. Les gens vivent en paix, les frontières sont bien gardées, les provinces normalement administrées et les richesses continuent d’affluer de toutes parts. Rome est toujours Rome.
— Parlons-en du trésor de Rome ! vociféra Maesa dont la patience était à bout. Ton fils a quasiment vidé, par ses dilapidations quotidiennes, les caisses de l’État !
— Je n’ai pas l’impression que le peuple se plaigne. Il mange à sa faim et se réjouit des spectacles magnifiques que Varius lui offre sans compter.
— Le pain et les jeux ? Justement, parlons-en aussi ! Savais-tu que ce petit imbécile avait l’intention de donner aux prostituées de la ville toute la provision de blé de l’annone ? À cause de lui, les réserves que Septime Sévère et Caracalla ont accumulées pour sept ans sont en train de fondre comme neige au soleil ! Quant à ses spectacles, je ne suis pas certaine qu’ils amusent les Romains autant que tu le penses. Même si le peuple y trouve pour l’instant quelque intérêt, il s’en lassera bientôt. Des naumachies (114) dans des arènes remplies de vin, des courses d’hippopotames
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