Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
retrouvé :
— Et il faut chercher l’argent là où il se cache… Les sénateurs Balbinus et Marcus Pulpienus possèdent des domaines à Firnum ? Cammarus a une propriété à Tarquini et une autre en Campanie ? Ces fortunes me paraissent très suspectes… Confisque leurs terres !
Il s’étira voluptueusement puis allongea le bras pour prendre une pâte de fruit.
— Lorsque ma résidence d’été sera achevée nous irons nous installer là-bas, définitivement. Et plus personne ne viendra m’importuner pour me dire ce que je dois ou ne dois pas faire.
Et, tout en mâchant délicatement sa friandise, il se mit à songer avec un bonheur non dissimulé à son nouveau palais situé à l’extrémité de l’Esquilin, dans les jardins du Vieil-Espoir. Un palais dont il avait prévu l’aménagement et la décoration dans les moindres détails et dont le luxe tapageur devait surpasser tout ce qui s’était fait depuis les temps néroniens.
Soudain, ses pensées s’envolèrent loin des vicissitudes du moment, dans un monde de rêves et d’aspirations exaltées. Les paupières closes, la tête renversée, il s’abîma soudain dans la contemplation muette et intérieure d’un avenir proche où, sans plus rencontrer d’obstacles, dans son petit Élysée, il pourrait lâcher la bride à ses désirs les plus fous où, enfin, il rassasierait son ambition de supériorité et d’hommages.
Le voyant plonger dans ses fantasmes comme dans un sommeil artificiel, Protogène et Gordius se levèrent en silence pour quitter la tonnelle, mais l’adolescent, d’un geste lent, leur fit aussitôt signe de se rallonger.
— Non, mes amis, murmura-t-il d’une voix alanguie, ne partez pas, restez près de moi.
Les deux cochers reprirent leur place, obéissant docilement à cette prière, sachant que Varius ne les laisserait pas s’évader si facilement. L’enfant-roi avait besoin de chacun de ses admirateurs autour de lui, nuit et jour. Il avait besoin qu’ils se tiennent toujours là, à ses côtés, pas seulement pour satisfaire au moindre de ses désirs futiles, mais pour combler sa peur irrépressible de l’ennui et de la solitude.
* * *
Lorsque Maesa quitta les jardins impériaux, elle fila aussitôt chez sa fille. Son cœur débordait d’une colère sourde qui lui faisait confondre dans une même haine Soemias et Varius parce que l’un et l’autre mettaient désormais en péril son prestige et sa propre sécurité.
— Je n’ai pas le temps, dit Soemias alors que sa mère entrait pour lui parler. On m’attend.
— Laisse attendre. J’ai à t’entretenir de choses importantes.
Le ton impérieux de sa mère irrita Soemias. Elle posa ses mains sur ses hanches voluptueuses :
— De quoi pourrions-nous encore parler ? Nous n’avons plus grand-chose à nous dire.
Il était clair qu’elle ne supportait plus sa mère, ses allures de mentor, son patronage condescendant, ses conseils exaspérants et médités qu’elle lui prodiguait constamment, sous prétexte d’une sagesse qu’elle croyait posséder à elle seule.
Elle regarda Maesa, ces yeux noirs dont l’éclair hostile ne s’éteignait jamais, cette bouche desséchée qui ne savait que reprocher, qui ne l’avait jamais embrassée, ces mains longues et crochues comme les serres d’un oiseau de proie, qui ne l’avaient jamais soignée ni caressée, qui ignoraient la douceur de sa peau.
— De quoi pourrions-nous parler ? répéta la vieille princesse. Des excentricités de ton fils par exemple ?
Soemias haussa ses épaules rondes et se détourna dans une volte exaspérée :
— Il s’amuse, c’est de son âge.
— Tu appelles cela des amusements ? Moi, non ! Des dévergondages ignobles, des folies dont tout le monde pense que je les approuve et cela, je ne peux l’accepter !
— C’est donc ça. Tu t’inquiètes encore pour toi.
— Pas seulement pour moi. Pour notre famille. Si seulement Varius n’avilissait que lui-même. Mais il traîne dans la boue le nom des Bassianides et des Sévères.
— Tu exagères toujours…
— J’exagère ? riposta rudement Maesa. Parce que tu trouves, toi, que Varius se conduit en empereur ? Quand il n’est pas habillé en femme, ton fils se promène entièrement nu dans le palais, monté sur un char attelé à des femmes dévêtues elles aussi, qu’il fait avancer à quatre pattes, comme des chiennes ! Il fait rechercher par Protogène, dans tout le pays, des
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