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Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate

Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate

Titel: Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emma Locatelli
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dire de ne pas m’inquiéter ?
    — Je regrette, Annia, mais j’ignore ce qui va se passer ce soir au Palatin. Je ne suis pas devin.
    Il lui tourna le dos, visiblement mal à l’aise. Et il s’en voulut aussitôt de dissimuler la vérité à sa chère femme, même si ces mensonges par omission étaient avant tout destinés à la protéger.
    Pomponius savait pertinemment que, depuis plus d’une semaine, le jeune empereur invitait des sénateurs et des chevaliers à sa table dans le seul but de les humilier. Il les mortifiait par des questions embarrassantes, se divertissait de leur confusion et de leur gêne, quand il n’en faisait pas tout simplement les pitoyables pantins de ses spectacles puérils.
    Ces petits jeux pervers n’étaient qu’un aspect de la politique de terreur que Varius avait décidé d’instaurer pour asseoir son autorité défaillante. Effrayé par les rébellions menées par Carus et Paetus, ayant certainement appris qu’il s’était irrémédiablement aliéné la majorité des Pères conscrits, il avait décidé de les réduire à la plus absolue servilité.
    Mardi, les invités avaient dû dîner sur des lits recouverts de paille souillée. Humiliation cinglante pour les sénateurs, auxquels Varius avait déclaré que cette litière convenait parfaitement à leur dignité. Tout au long du repas, l’empereur leur avait fait servir un vin piqué au goût aigre et divers poissons sortis des égouts, alors qu’il se régalait, sous leurs yeux, de mets délicats accompagnés des meilleurs crus d’Italie.
    Le lendemain, les lits de foin avaient été remplacés par des outres emplies d’air disposées sur le sol, en demi-cercle. Tandis que les convives étaient en train de manger, installés sur ces étranges coussins, les esclaves impériaux s’étaient arrangés pour dégonfler ceux-ci à leur insu, de sorte que les Pères conscrits s’étaient tout à coup retrouvés par terre, sous la table. Pour ajouter encore à leur déconvenue, Varius leur avait offert, au second service, des musaraignes, des belettes et des rats bouillis. Devant la mine déconfite et écœurée de ses hôtes, il leur avait alors proposé d’inventer une sauce qui rendrait plus savoureuses ces viandes peu ragoûtantes. Mais aucun des sénateurs présents à la table d’Antonin ce soir-là n’ayant de prédispositions pour l’art culinaire, ils s’étaient vus condamnés à manger jusqu’au dernier morceau les ignobles rongeurs.
    Jeudi avait été le jour des fauves. L’adolescent s’était amusé à lâcher dans la salle à manger sa petite ménagerie, renouvelant la plaisanterie douteuse qui avait tant effrayé l’infortunée Paula Cornelia. Lorsque les lions et les panthères avaient fait irruption au milieu des invités, la peur avait foudroyé le vieux sénateur Avidius. Mais cette mort, loin d’émouvoir l’empereur, l’avait au contraire ravi au plus haut point. Jugeant qu’Avidius lui avait offert là un spectacle imprévu et fort divertissant, il avait aussitôt décidé de lui dispenser une récompense post mortem, en offrant à sa veuve l’un de ses crocodiles du Nil.
    La veille enfin, Varius était apparu au banquet nu comme un ver, seulement coiffé d’une résille et chaussé de petites sandales d’or. Et il avait naturellement obligé les graves sénateurs à dîner, eux aussi, dans le plus simple appareil. Quelles n’avaient pas été leur gêne et leur honte lorsqu’il les avait priés de jouer, entièrement dévêtus, et à tour de rôle, au beau milieu de la pièce, les uns de la flûte, les autres du pandore ou de la trompette !
    Les prestations des clarissimes avaient finalement été primées par des cadeaux à la hauteur de leur talent musical, c’est-à-dire, pour la plupart, assez décevants : certains étaient repartis avec dix mouches ou dix œufs de poule, d’autres avec une piécette de bronze, un vase rempli de grenouilles ou un chien crevé.
    Annia Faustina, décidée à ne pas en rester là, fit face à son mari.
    — Et moi, je me suis trompée, dit-elle avec un sourire amer. Je croyais être ton épouse, mais tu me traites comme une petite fille. Après avoir passé vingt ans de ma vie à tes côtés, je pensais mériter mieux que cela.
    Un peu honteux, Pomponius dut s’avouer qu’elle n’avait pas tort. Il lui prit les mains et, avec un regard contrit, lui baisa les doigts.
    — Antonin est mauvais, dit-il simplement, sans que sa voix ne trahisse

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