Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
convoqués afin de vous informer de certaines dispositions que j’ai prises, annonça l’adolescent. Des dispositions concernant le traître Alexandre.
Il se tut, fit tourner son sceptre dans sa main, la mine grave.
— Sachez, poursuivit-il, que j’ai retiré à mon cousin son titre de César. Ce titre dont il n’a été gratifié, je vous le rappelle, que par la grâce impériale.
Devant l’expression consternée des sénateurs, il fut parcouru par un frisson de satisfaction.
— En vertu de tous les pouvoirs dont j’ai été investi par le peuple de Rome et… par vous-mêmes, j’ai également annulé son adoption.
Pas un seul mot n’accueillit cette déclaration. Bien qu’outrés d’être ainsi mis devant le fait accompli et bouillant d’une rage intérieure, les consulaires, terrorisés, gardèrent néanmoins une réserve prudente.
— Par conséquent, ajouta l’empereur, j’ai aussi retiré à cette petite peste le détachement militaire qui lui était affecté en tant que prince héritier. Et afin qu’il ne puisse plus comploter contre moi, je l’ai assigné à résidence. Il lui est désormais interdit de sortir du Palatin et de se montrer en public.
Cette fois, le sénateur Proculus ne put s’empêcher de lui lancer un regard chargé de reproches.
— Comment oses-tu me dévisager ainsi ? couina l’adolescent en se redressant d’un bond.
Proculus baissa immédiatement les yeux et Varius bomba le torse, avec une exagération comique :
— Voilà qui est mieux, dit-il. Voilà l’attitude qui convient à un esclave. Tu n’es pas digne de porter tes regards plus haut que mes sandales.
Sur ce, il quitta son trône et fit quelques pas en avant. Il se mit à parler d’une voix basse et lente, dans laquelle il laissa volontairement traîner la menace et l’invective :
— Combien de temps encore faudra-t-il que je supporte votre arrogance ? dit-il en marchant devant les sénateurs à la façon d’un général qui passe ses troupes en revue. Combien de temps encore pour que vous compreniez que vous n’êtes rien… rien qu’un petit tas de crottes ?
Il éclata de rire, heureux de son mot, montra ses grandes dents blanches dans sa bouche maquillée de rouge sanguin.
— Proculus, dit-il en revenant au premier consulaire, réponds à cette question : qui suis-je ?
L’homme qu’il harcelait prit son inspiration avant de répondre :
— Tu es l’empereur de Rome.
Varius eut un mouvement d’épaules méprisant.
— Ça, ce n’est pas une nouveauté… Tout le monde le sait.
Il lui jeta un regard de profond dégoût et se dirigea, avec une lenteur délibérée, un peu théâtrale, vers le sénateur Appicus.
— Appicus… Sais-tu que tes propos m’ont été rapportés ?
Ce dernier prit un air d’ignorance, bafouilla pitoyablement :
— Quels… quels propos, César ?
— Il paraît que tu me reproches de porter des robes de soie et de me farder comme une femelle… Mais on dit aussi que tu m’accuses d’exhiber mes couilles nues dans les couloirs du palais. Alors réponds à cette question, Appicus : Qui suis-je ? Un homme ou une femme ?
Troublé, le sénateur ne chercha même pas où se trouvait le piège et lui fit la première réponse qui lui venait à l’esprit :
— Tu es un homme, César.
— En es-tu sûr ?
— On ne peut pas en douter.
Varius leva la main puis la laissa retomber, molle, sur sa cuisse.
— Mauvaise réponse ! dit-il en se détournant d’Appicus.
Il observa un long moment les clarissimes. Quelques minutes auparavant, ils étaient encore fiers et raides, affichaient cette supériorité dont tout le secret tenait dans le port de tête, l’aplomb des jambes, le maintien du coude replié sous le drapé tortueux de la toge blanche. Mais à présent ils semblaient apeurés et tremblants et tous se résignaient à la lâcheté. Ils détournaient le visage dès que le regard jaune de l’empereur se posait sur eux.
— Caelius ? demanda-t-il à un autre Père Conscrit. Qui suis-je ?
— Tu es une femme, César.
— Et qu’est-ce qui t’autorise à l’affirmer ?
— Tu en as l’élégance.
L’adolescent ajusta sa couronne de laurier sur son échafaudage de tresses, flatté.
— Merci Caelius, dit-il.
Puis, sans laisser à son interlocuteur le temps de se remettre :
— Donc, d’après toi, je suis une femme ?
— Oui César.
— Re-mauvaise réponse ! lança Varius en faisant une
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