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Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate

Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate

Titel: Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emma Locatelli
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piège meurtrier, se protégèrent en dressant devant eux un rempart avec leurs lances. Inévitablement, beaucoup de pauvres gens, subissant la pression de la masse, vinrent s’embrocher sur les pointes de leurs armes.
    De toutes parts, on n’entendit plus que des hurlements de frayeur, on ne vit plus que des visages défigurés par la peur et la douleur, des enfants et des vieillards qui criaient, le crâne ouvert par un vase, le bras transpercé par une épée, des hommes gisant à terre, écrasés par le poids d’un cheval ou d’un taureau. Ceux qui n’osaient plus s’enfuir, de peur de se faire éventrer par les lances des prétoriens, continuaient de s’exposer à la chute mortelle des cadeaux de l’empereur.
    De son côté, celui-ci observait toute cette scène avec une allégresse et une exaltation fébriles. Son obsession d’étonner le monde par ses largesses et ses facéties cruelles n’avait de comparable que son orgueil démesuré et se trouvait, en cet instant, satisfaite au-delà de tous ses rêves.
    — Voilà ce que j’appelle être empereur ! dit-il à Hiéroclès, les larmes aux yeux. Personne avant moi n’a jamais osé faire de tels présents au peuple de Rome ! Cela seul, oui, cela seul, est digne d’un grand roi !
    Et dans son délire, il lui semblait que ce peuple mourait davantage pour satisfaire Élagabal que pour ses cadeaux, que tous les malheureux qui gisaient là, écrasés, brisés, transpercés, affreusement mutilés, étaient les victimes consentantes du plus grandiose sacrifice qu’on ait jamais offert à son dieu de pierre.
    Il lissa d’une main tendre les cheveux drus de son cocher et se pressa contre lui :
    — Vraiment, n’est-ce pas une belle journée, digne d’Élagabal et digne de nous ?
    Hiéroclès ne répondit rien, leva les épaules en signe d’ignorance. Et sans un mot qui eût pu trahir ses émotions ou ses sentiments, il accepta la main potelée qui se glissait dans la sienne. Pendant plus d’une heure, il continua d’assister, perplexe et vaguement écœuré, à cette étrange fête syrienne qui avait tourné, pour le plaisir d’un empereur dément et mystique, au carnage rituel, tandis que les sénateurs marquaient le rythme de cette fête macabre sur la peau d’onagre de leurs tambourins.

CHAPITRE XXXVI
    Les mois qui suivirent furent, sinon les plus heureux, du moins les plus scandaleux de la vie de Varius. Isolé dans son somptueux palais, entouré de ses courtisans et de ses favoris, il put de nouveau mener l’existence qu’il aimait.
    Sa nouvelle résidence portait la marque de ses caprices et de son goût du luxe : ici tout était d’or, tout était couvert de bijoux, tout était incrusté de pierres précieuses, tout scintillait, tout prenait un éclat particulier : les lits, les tables, les sièges, jusqu’au moindre des réchauds, jusqu’à la moindre des cuillers.
    Le marbre des chambres et des couloirs était à chaque heure jonché de pétales de narcisses et de roses, que Varius exigeait cueillis avant d’être éclos ; les sols du triclinium et du grand atrium étaient recouverts de paillettes d’or et de chrysolithe ; dans toutes les pièces du Sessorium, des bassins d’argent et des vasques d’albâtre débordaient continuellement de vin miellé afin que l’empereur puisse boire sans jamais devoir appeler un échanson ; quant aux féeriques splendeurs de la table impériale, elles dépassaient tout ce qui avait pu se concevoir jusqu’alors : Varius donnait des banquets qui débutaient à midi et ne s’achevaient qu’à l’aube, se faisait servir les mets les plus raffinés et les plus rares, talons de chameau, têtes d’autruche, entrailles de surmulet, langues de rossignol, et cela dans un décor hallucinant, chaque fois réinventé, imitant tour à tour des paysages marins, bucoliques, des voûtes étoilées ou les verdures humides et fabuleuses des jardins suspendus de Sémiramis.
    L’empereur ne semblait vraiment satisfait que noyé dans ce luxe inouï, ce raffinement excessif, cette abondance écœurante, cette absurde magnificence.
    C’était dans la création, sans cesse renouvelée, d’un tel univers extraordinaire et fantasque et dans l’assouvissement sans fin de ses désirs les plus fous, que consistait, à ses yeux, l’objet véritable de l’existence. Convaincu que sa vie devait être le spectacle éblouissant de sa toute-puissance et son but la réalisation de tous les fantasmes de

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