Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
pirouette sur lui-même. Pauvre idiot !
Il se planta devant les sénateurs, les mains sur les hanches, et tapa du pied.
— Alors ? répéta-t-il, impatienté. Qui suis-je ?
Les consulaires, dans un mouvement parfaitement synchronisé, plongèrent le nez vers le sol de marbre.
— Utilius ?
Sa victime se décomposa littéralement.
— Qu’en penses-tu ?
— Tu es… hésita le sénateur, tu n’es… ni homme ni femme.
Varius eut un hoquet de surprise.
— Ni homme ni femme ? Allons bon ! Serais-je un animal ?
— Oh non César ! se reprit aussitôt sa victime. Non… pas du tout… !
— Mais si je ne suis ni un homme, ni une femme, alors que suis-je ?
Le sénateur Utilius était devenu aussi pâle que sa toge.
— Tu es… un dieu.
— Un dieu ?
— Oui, un dieu, César.
Encore une fois, l’empereur haussa les épaules mais au bout d’un moment il se rembrunit et grommela :
— N’importe quoi ! A-t-on déjà vu un dieu marcher sur des pieds humains ? Et s’adresser à vous, pauvres larves !
Il pointa son index vers un quatrième consulaire :
— À toi, Repicus ! Si tu veux sauver la tête de tes vénérables collègues, tu as intérêt à me donner la bonne réponse ! Eh oui, c’est le jeu, mon pauvre Repicus, ajouta-t-il avec un sourire espiègle : si tu te trompes, ils meurent tous !
Le sénateur le dévisagea une seconde, terrorisé. La boule qui obstruait son gosier l’empêchait de parler. Il réussit néanmoins à déglutir et à ouvrir les lèvres.
— Je pense, dit-il en se raclant la gorge, que tu es homme et femme à la fois.
Varius tordit sa bouche dans une grimace perplexe.
— Ah oui ?
— Tu as les courbes harmonieuses et la grâce délicate d’une jeune fille, poursuivit Repicus. Et tu as dans les yeux la caresse de son regard. Je peux t’assurer qu’aucune femme à Rome n’a de formes plus délicieuses que les tiennes. Mais je sais aussi que tu caches sous ton apparence une force herculéenne et l’énergie d’un véritable guerrier. Tes exploits contre Macrin en sont la preuve.
— Continue…
— Tu as ce singulier privilège de réunir la beauté de la femme à la force de l’homme. Tu cumules, dans ta seule personne, les deux principes.
L’adolescent le gratifia d’un petit signe satisfait.
— Excellente réponse ! s’exclama-t-il.
Et, appelant un esclave :
— Qu’on apporte au sénateur Repicus un cadeau ! Qu’on lui donne une de mes jolies abeilles apprivoisées !
Quelques secondes plus tard le serviteur réapparut avec un pot duquel il tira une grosse mouche verte. Le sénateur eut la prudence de ne montrer aucune contrariété, prit délicatement entre ses doigts l’affreux insecte qui bourdonnait et lui fit une cage de sa main.
— Je te remercie, César, dit-il en s’inclinant respectueusement.
— Il n’y a pas de quoi, Repicus, répondit l’adolescent sur un ton encore plus affable. Ce présent te comble-t-il ?
— Oui, César.
— Sais-tu ce que c’est ?
— Une abeille, César.
— Non, fit l’empereur en lissant une boucle échappée de son chignon. Jusqu’à ce que tu en deviennes le propriétaire, c’était une abeille. À présent, c’est une mouche à merde.
— Je… Oui, César.
Mais Varius, revenant à Appicus, ne l’entendit même pas.
— Mon cher Appicus, dit-il d’une voix doucereuse, toi qui prétends si bien me connaître, as-tu lu ces libelles qui circulent dans Rome et qui s’affichent sur les portes ? Ces billets qui parlent de moi ?
— Non, César, répondit le consulaire.
— Ainsi, tu ne connais pas le charmant surnom dont on affuble ton maître ?
— Non, César, répéta le sénateur, inquiet.
— Eh bien, tu devrais le savoir ! s’emporta soudain l’adolescent. Cela prouve que tu ne t’intéresses pas à l’empereur ! Et cela mérite un châtiment !
— Je t’en prie, César ! s’écria Appicus en s’affolant. Maintenant que tu le dis, je me souviens bien d’en avoir lu un jour. Mais je te jure qu’ils me sont tombés entre les mains par hasard !
Varius l’observa entre la fente de ses yeux fauves.
— Alors, si tu les as lus, dis-moi : quel est ce surnom que l’on m’a donné ?
— On t’appelle…
— On m’appelle… ?
Appicus hésita, paniqué à l’idée de devoir lâcher l’injure qui, il en était certain, ne manquerait pas de déclencher les foudres de l’empereur.
— On
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