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Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate

Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate

Titel: Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emma Locatelli
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l’impression que tu es jaloux. Cela ne te ressemble pas.
    Une esclave apporta un drap de bain dans lequel elle enveloppa Varius pour l’essuyer. Un eunuque à la figure patibulaire la suivait, tenant un large plateau sur lequel reposaient quantité de pierres ponces, de fards, de parfums et d’huiles odorantes. L’adolescent s’allongea sur un lit recouvert d’étoffes douces pour se faire masser et ferma les yeux, feignant le sommeil.
    — Je constate que tu n’es pas de très bonne humeur, lui dit sa mère en se faisant rhabiller. D’ailleurs, y aurait-il une seule personne qui soit d’humeur agréable, dans ce palais ?
    — Eutychianus, lui, me semble dans d’excellentes dispositions, railla Varius tandis que l’eunuque pétrissait ses muscles.
    Soemias ne répondit pas, troublée que son fils réitère ainsi l’allusion au moment intime qu’elle venait de partager avec son amant. C’était la première fois que Varius se montrait possessif et blessant et qu’il semblait désapprouver sa conduite.
    — Comment pourrais-je me faire pardonner d’avoir préféré la compagnie de Gannys à la tienne ? demanda-t-elle en embrassant tendrement la tempe de l’adolescent.
    Varius haussa ses sourcils blonds, s’efforçant de donner à son visage sa sérénité et son dédain habituels.
    — Je ne vois pas.
    Soemias fit alors courir une pluie de baisers légers sur le visage de son rejeton, jusqu’à ce qu’il se laisse enfin attendrir et qu’il consente à sourire.
    — À la réflexion, dit-il, une main sous le menton, il y a une chose que tu peux m’offrir, pour me consoler de m’avoir abandonné à la solitude.
    — Laquelle ?
    Varius fit mine de réfléchir un instant.
    — L’amour de Crésus, dit-il.
    — Qui est ce Crésus ?
    — Le danseur que tu as fait venir l’autre soir. Ne me dis pas que tu ne l’as pas remarqué, tu louchais plus que moi, en l’admirant se tortiller.
    — Je m’en souviens, répondit sa mère. Je me rappelle aussi que chaque fois que mes yeux se posaient sur lui, tu me rappelais à l’ordre en me lançant un regard furieux.
    Varius se retourna pour offrir son buste aux mains expérimentées du masseur.
    — Je le veux, déclara-t-il.
    — Crésus n’est pas un esclave, le prévint Soemias. C’est un homme libre. Et qui plus est, il est trop âgé pour toi.
    — Il est peut-être libre mais ce n’est qu’un cinaedu s (28) . Il s’exhibe dans tous les banquets. Quant à son âge, ajouta-t-il avec un demi-sourire, c’est justement ce qui me plaît en lui…
    Les cinaedi appartenaient aux maisons des riches Romains ou se louaient à l’occasion des festivités organisées par ces derniers. La plupart d’entre eux étaient des hommes faits, mais ils conservaient néanmoins un corps dévirilisé par l’épilation et une gestuelle particulièrement efféminée.
    — Il se fait peut-être payer pour danser, lui rappela sa mère, mais cela ne signifie pas qu’il se prostitue.
    Varius laissa échapper un profond soupir de regret et de frustration.
    Chaque fois qu’il y pensait, le souvenir du beau danseur aux cheveux longs, de ses bras musclés, de la vigoureuse perfection de ses formes, de ses gestes languides, de l’effronterie de ses fesses lisses mais pourtant si viriles, mettait ses sens en ébullition.
    Il revit les gestes agiles et souples du saltator, son déhanchement provoquant, ses œillades affriolantes. Il crut ressentir, en l’imaginant, le contact de sa peau contre la sienne, et éprouva soudain la sensation de la réaction puissante de ce corps de mâle, prêt à le soumettre et à le vaincre sans indulgence.
    Une flambée de désir s’empara alors de lui et, honteux de se faire trahir ainsi par son membre dressé, il dut se retourner brusquement sur le ventre.
    — Je le veux, persista-t-il, d’une voix affligée.
    — Varius, fit Soemias, je viens de te dire que Crésus était un homme libre. Il n’est pas pour toi. Si tu veux t’amuser, ce ne sont pas les esclaves qui manquent dans ce palais.
    — Et moi, répliqua Varius en grinçant des dents, je te répète que c’est justement ce qui m’attire chez lui. C’est un homme, un vrai ! Quant à tes esclaves, tu peux te les garder !
    — Varius !
    — Je suis fatigué de ces corps serviles qui se plient à toutes mes volontés, de ces petits moutons passifs et soumis qui sentent les odeurs de cuisine !
    Sa figure avait pris tout à coup une teinte rouge bistre.

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