Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
Sa bouche se contracta convulsivement :
— Et j’en ai assez de ces échansons au visage de fillettes que tu m’offres ! Je n’en peux plus de ces ganymèdes délicats et fragiles ! Vas-y toi, couche donc avec ces bébés, si ça t’excite ! On verra ce que tu pourras tirer de leur petit sexe juvénile et atrophié !
Soemias resta sans voix.
Les emportements de son fils adoré la laissaient toujours impuissante et désemparée. Et elle devait s’avouer que depuis quelque temps, les crises se faisaient plus fréquentes et violentes.
Pour elle, ces comportements excessifs s’expliquaient par le fait que Varius entrait dans l’adolescence, ce moment crucial dans la vie d’un homme. Elle savait qu’il devenait particulièrement vulnérable aux attraits du plaisir et, en mère aimante, s’efforçait de comprendre les tourments qui agitaient son cœur et son corps. De fait, elle se montrait très indulgente face aux débordements fougueux de sa jeunesse et aux passions irraisonnées que la puberté allumait en lui. Mais si elle concevait facilement qu’il s’amusât avec des garçons et des filles de son âge ou avec de jeunes enfants, elle ne pouvait accepter de le voir se compromettre avec des adultes, ce qui était le signe d’une sexualité infamante et d’une impudicité réprouvée.
— Oublie-le, lui conseilla-t-elle.
— Je ne peux pas ! s’indigna Varius. C’est comme si tu me demandais d’oublier que le soleil existe ! Serais-je aveugle, et sourd, et muet, que j’entendrais toujours sa voix, que je verrais toujours ses yeux, que je murmurerais encore et encore son nom !
Cette poignante tirade n’eut guère d’effet sur Soemias qui haussa les épaules.
— Et alors, que comptes-tu faire ? Te laisser mourir de désespoir ? proposa-t-elle, un peu moqueuse.
— Non ! répondit Varius en sautant du lit et en échappant aux mains huilées de l’eunuque. Certainement pas ! Je vais lui offrir des fleurs.
— Des fleurs ?
— Un bouquet de lys et de narcisses, avec du laurier et du myrte. Il ne restera pas insensible à cette déclaration. Sais-tu que la fleur d’Apollon et la fleur de Vénus sont, pour les Romains, les symboles de la poésie et de l’amour ?
Sa mère hocha la tête d’un air entendu. À quoi bon essayer de lui faire entendre raison ? À quoi bon tenter d’amener un peu de bon sens et de discernement dans l’esprit d’un adolescent buté qui croit avoir découvert la passion, qui pense être le premier à ressentir les tourments de la chair et la fierté d’être le seul au monde à souffrir ?
— Me tiendras-tu compagnie ce soir ? demanda-t-elle pour changer de conversation.
— Oui.
— J’en suis heureuse, se réjouit Soemias. Parce que la vie, dans ce palais, devient vraiment insupportable. Le jour, il y règne une agitation et une effervescence à donner la migraine, et le soir, c’est un vrai tombeau ! Sans compter que Maesa et Gannys passent leur temps à comploter. C’est très agaçant. Ils chuchotent dans mon dos comme s’ils partageaient des secrets qu’eux seuls seraient dignes de connaître.
— Je sais, dit Varius. Ils chuchotent aussi derrière moi. Ils s’imaginent que je ne les vois pas et que je ne les entends pas, mais je sais tout ce qu’ils se disent, et je n’ai pas besoin de les écouter pour ça.
Il se pencha vers sa mère avec un air gai et espiègle. Les souffrances que lui avaient inspirées, quelques instants auparavant, son amour impossible pour Crésus, semblaient déjà oubliées.
Et Soemias se demanda, encore une fois, comment il pouvait passer, si vite et avec tant de naturel, du drame au rire.
— Ce soir, j’aurai une surprise pour toi, lui susurra-t-il dans le creux de l’oreille.
— Une surprise ! Laquelle ? s’exclama Soemias, ravie.
— Si je te le dis maintenant, ce ne sera plus une surprise.
— Dis-le-moi ! insista sa mère.
— Non, fit-il en prenant un air dur et puéril à la fois.
Elle le pinça dans le dos et ils se firent mutuellement de gros yeux, comme deux enfants qui se chamaillent pour s’amuser.
— Dis-le-moi !
Pour mieux l’attendrir, Soemias posa sa bouche contre ses lèvres et l’embrassa passionnément, ce qu’elle faisait souvent. Comme toujours, elle savoura l’empressement que mit la bouche de Varius à s’ouvrir pour lui offrir le goût et la douceur de sa langue et s’appliqua à lui prodiguer dans ce baiser profond sa tendresse
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