Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
exacerbée de mère amoureuse.
Ce fut Varius qui, le premier, rompit l’incestueux et délicieux échange :
— Tu as gagné, dit-il en reprenant haleine. Je t’ai trouvé un petit singe. Tu te souviens que tu en voulais un ?
Soemias battit des mains, tout excitée.
— Il a une longue queue aussi habile que ses mains, expliqua l’adolescent. Il s’en sert pour se suspendre partout ! Quand on le dérange, son visage devient tout rouge et dès qu’il a peur, ses poils se hérissent sur sa tête, c’est une horreur !
— Nous lui ferons faire une petite tunique et des petits bracelets à sa taille ! s’exclama Soemias en riant. Nous lui apprendrons à jouer du tambourin et aussi à imiter Mammaea !
Varius partit dans un grand éclat de rire, dévoilant la ligne de ses dents blanches et solides.
— D’accord ! approuva-t-il, heureux de pouvoir se livrer à de nouvelles facéties et à faire enrager sa détestable tante. Nous commencerons son apprentissage ce soir !
Puis il prit tout à coup un air plus grave et posa sa main sur l’épaule de sa mère :
— Mais maintenant, tu dois partir, dit-il. Je dois aller au temple.
En effet, l’heure était venue pour l’adolescent de remplir ses devoirs religieux.
Deux servantes vinrent lui apporter ses vêtements liturgiques, une longue robe de pourpre et d’or, ainsi qu’une ceinture brodée, puis l’aidèrent à s’habiller. Elles posèrent ensuite sur sa tête une haute tiare et couvrirent son corps d’amulettes, tandis qu’une troisième ornatrix (29) enfilait de lourds bracelets sur ses poignets et ses chevilles.
Ainsi paré, l’adolescent prit le chemin du temple d’Élagabal, silencieux et pensif.
* * *
Varius avait été consacré prêtre du Soleil l’année de ses cinq ans.
À l’âge où les petits garçons courent dans les jardins en riant ou jouent à la toupie, l’enfant-prêtre, lui, parcourait en méditant les tortueux souterrains du sanctuaire d’Émèse et se nourrissait des grands principes de la création et du fonctionnement de l’univers.
Il apprenait tous les rites des religions millénaires de l’Orient, découvrait les mythes des innombrables dieux arabes, de tous les Ba’als solaires du Levant, de Cybèle, d’Attis et d’Atargatis, afin d’en détenir les mystères.
La première fois que son arrière-grand-père l’avait conduit dans les entrailles du sanctuaire, dans les cryptes mystérieuses, Varius avait d’abord été ébloui par le jeu des couleurs sur les murs, par les effets d’ombre et de lumière sur les voûtes peintes, par les reflets flamboyants du pourpre et de l’or.
Mais à la lueur des torches, il avait aussi très vite découvert l’effrayant secret des chambres souterraines.
C’est dans l’odeur écœurante du sang et des aromates que le petit garçon avait dû assister aux accouplements sacrés, aux émasculations, aux égorgements, aux immolations, qu’il avait appris l’art des transes et les mimes des galles et qu’il s’était purifié dans le sang des taureaux.
Varius avait depuis longtemps oublié l’effroi des premières cérémonies sacrificielles, le dégoût et l’épouvante qu’il avait dû éprouver. Aujourd’hui, il se souvenait seulement de ses petits doigts malhabiles et tremblants qui hésitaient à trancher le cou du bélier, de son grand-père Bassianus qui tenait fermement sa main dans la sienne, quand on lui demandait d’accomplir les gestes précis de ses ancêtres.
Jour après jour, année après année, Varius avait été formé à célébrer le service du divin Élagabal, avec une application exemplaire et un dévouement proche de l’abnégation. Au fil du temps, les innombrables sacrifices et castrations qu’on l’obligeait à accomplir avaient cessé de le révulser ou même de l’impressionner. Ils avaient fini, au contraire, par susciter chez lui une véritable vocation. Ce culte du Soleil, fait de cérémonies hallucinantes et sanglantes, avait imprimé peu à peu, dans son âme d’enfant, une marque profonde et indélébile. Et à présent, plus rien d’autre ne comptait que le plaisir et la gloire de sa pierre sacrée.
Il ne se passait pas une journée sans qu’il ne se rende au sanctuaire pour contempler sa roche noire, sans qu’il n’éprouve le besoin de se promener dans le ventre du grand temple, pour se couler dans ce véritable fleuve d’hommes qui s’affairaient sans répit à la gloire de son dieu. Il ne
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