Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
son union avec sa fille aînée. Quant au jeune Varius, il se passerait de son consentement. Gannys avait une grande emprise sur l’adolescent qui le considérait comme son père nourricier. Il était même le seul, dans cette famille, à être capable de lui imposer quelque autorité.
Les caresses expérimentées de son amant eurent vite fait de mener Soemias à l’extase. Elles la laissèrent ruisselante et pantelante entre ses bras.
— Je croyais que Maesa t’attendait, lui susurra-t-elle à l’oreille, en ronronnant comme une chatte satisfaite.
— Je lui expliquerai que sa fille avait requis mes services avant elle…
— Que te veut ma mère ?
— Nous devons rencontrer Valerius Comazon.
— Le préfet du camp de Raphanae ?
— Oui. C’est sur lui que repose tout notre plan. Nous avons besoin de son aide pour introduire ton fils dans la caserne. Nous projetons de faire acclamer Varius par la légion gauloise d’ici peu.
— Je n’aime pas beaucoup ce gros lard, déclara Soemias. Il passe son temps à faire le pitre. As-tu remarqué ses manières ?
— Il était acteur autrefois, avant de se tourner vers la carrière militaire, expliqua Eutychianus. C’est peut-être la raison pour laquelle la pantomime semble être une seconde nature chez lui.
— Quelle confiance pouvons-nous accorder à ce Comazon ? J’espère que la vie de Varius n’est pas en danger !
— Nous prendrons toutes les précautions pour qu’elle ne le soit pas. Quant à Comazon, je n’ai aucune raison de penser qu’il n’est pas de notre côté. Je le crois loyal et surtout très ambitieux.
— Mon pauvre petit garçon ! soupira Soemias. Je n’ai pas l’impression qu’il ait conscience de la bataille que nous nous apprêtons à livrer. Ni de toute cette agitation autour de lui.
— Je n’en suis pas si sûr, objecta Gannys. Varius est plus intelligent que vous ne l’imaginez tous. Il ne dit rien mais n’en pense pas moins.
— Je n’ai pas dit qu’il était stupide ! s’offusqua Soemias. Je connais mon fils, j’ai simplement voulu dire qu’il était trop naïf.
Eutychianus sourit intérieurement.
Naïf n’était certainement pas le mot qu’il aurait employé pour définir Varius.
Comment, d’ailleurs, aurait-il pu définir cet enfant ? Il le connaissait depuis son plus jeune âge, et cependant, sa personnalité restait pour lui un mystère.
L’éducation trop permissive de sa mère en avait fait un jeune homme capricieux, au tempérament instable et excessif. Depuis sa naissance, Soemias exauçait tous ses désirs et le couvait comme un poussin à peine sorti de l’œuf. Elle cédait à toutes ses volontés sans jamais réussir à le soumettre à la sienne.
Mais le plus déroutant, chez Varius, étaient les multiples aspects, radicalement opposés, de sa personnalité, qui le rendaient totalement insaisissable.
Tantôt extrêmement mélancolique et rêveur, perdu dans sa méditation, détaché du monde qui l’entourait, entièrement absorbé par le culte d’Élagabal, auquel il avait, semble-t-il, dédié toute sa vie. Tantôt agressif et caractériel, avec des revirements incompréhensibles et des sautes d’humeur imprévisibles. Il alternait les phases d’apathie profonde avec des périodes de surexcitation intense : exagérément calme et indolent par moments, il pouvait se montrer nerveux et irritable l’instant suivant.
L’adolescent semblait avoir réuni, en sa personne, tous les traits de caractère, tous les défauts et toutes les qualités des Bassianides : dévoré de religiosité et avide d’absolu mystique comme l’était son grand-père Bassianus, cassant, impérieux et fier comme Maesa, mou, lent et passif comme son défunt père, Avitus, quelquefois effacé et neurasthénique comme sa tante Mammaea, souvent fantasque, espiègle et totalement immature comme pouvait l’être Soemias. Dans cette âme compliquée, l’appel de l’ascèse et de la pureté le disputait à la recherche de la jouissance et du plaisir, tout comme la générosité et la compassion coexistaient avec l’égoïsme et la cruauté de l’enfant trop gâté.
Le jeune prêtre n’était pas seulement un condensé des tares et des vertus familiales. Il semblait aussi avoir été façonné à l’image de la terre qui l’avait vu naître ; il portait en lui tous les contrastes de la Syrie, dont les paysages changent à chaque instant.
Qui découvrait cette contrée pour la
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