Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
cent fois plus de bon sens. C’est peut-être lui que nous aurions dû placer sur le trône !
Varius se pétrifia. De nouveau, son visage s’altéra d’une façon bizarre.
— Tes remarques désobligeantes offensent l’empereur, le prévint l’adolescent, d’une voix glaciale, en le transperçant de ses yeux de fauve.
— Peut-être, mais il faut bien que quelqu’un te dise la vérité. Tu ne prends tes conseils que de ta pierre sacrée et tu passes ton temps entouré d’une cour de flatteurs et de petits gitons qui profitent de tes largesses et de ta crédulité.
— Je n’en crois pas mes oreilles ! explosa Varius. Ce n’est pas parce que tu te fais sucer par ma mère que cela t’autorise à critiquer ma conduite et mes amis !
Eutychianus ravala l’insulte sans broncher.
— Un empereur n’a pas besoin d’amis, répliqua-t-il avec une voix ferme. Il n’a besoin que de conseillers avisés.
— Tu parles pour toi, je présume ? Eh bien, garde à l’esprit que l’empereur peut changer de favori aussi souvent que l’envie lui prend de changer de toilette !
— Et toi, répliqua Eutychianus placidement, garde bien à l’esprit que Rome défait ses empereurs aussi vite qu’elle les fait.
— Chercherais-tu à me menacer ?
— Je n’ai pas le pouvoir de te menacer, Varius. Mais les soldats, oui. L’armée est la véritable maîtresse de Rome. Si tu déplais aux prétoriens, ils ne tarderont pas à te le faire savoir, de la façon la plus brutale et la plus expéditive qui soit.
Varius sentit son cœur s’emballer à la vitesse d’un cheval au galop. Il eut envie de se jeter sur Eutychianus et de le marteler de coups de poings furieux, de lui griffer le visage, de l’anéantir sous ses pieds comme un insecte nuisible.
Il lutta quelques secondes contre cette violence qui l’envahissait, contre cette rage incontrôlable qui menaçait d’emporter sa raison, comme un torrent se ruant contre une fragile digue de sable. Le sang battait dans ses tempes, une force impérieuse le pressait de frapper aveuglément, sans réfléchir, de frapper fort et de blesser.
Il n’était plus tolérable que quelqu’un, fût-ce Gannys ou Maesa, osât lui parler sur ce ton, osât prononcer impunément de tels mots !
C’est alors qu’une idée brillante le frappa et lui fit lancer un bref éclat de rire moqueur. Il allait leur faire voir comment Varius Bassianus, grand prêtre d’Élagabal, empereur de Rome, entendait imposer son autorité ! Il allait leur donner un spectacle qui leur ferait ouvrir tout grands leurs yeux méprisants !
Il avala sa salive, prit une inspiration profonde, heureux d’avoir enfin trouvé une idée qui le déterminait à agir, enchanté de rompre avec ses méditations continuelles, sa mélancolie et sa faiblesse craintive, fier de s’illustrer par une action précise, une action si extraordinaire qu’elle les laisserait tous pantois d’admiration et de respect.
— Ah oui ? fit-il en s’éloignant vers la porte. Les prétoriens as-tu dit ? C’est vrai que leurs méthodes sont parfois brutales et pour le moins… expéditives.
Il marqua une pause.
— Gardes ! Gardes ! cria-t-il soudain d’une voix aiguë.
À peine avait-il hurlé ces simples mots que Valerius Comazon, suivi d’une dizaine de soldats, se précipitait dans la pièce.
Le jeune empereur s’avança vers son préfet du prétoire et désigna Eutychianus du menton :
— Tuez-le ! dit-il froidement.
Comazon le regarda, stupéfait.
Eutychianus ne réagit pas.
— Tuez-le ! répéta Varius.
Deux prétoriens sortirent leur glaive de leur fourreau ciselé.
— Non, fit Comazon en se tournant vers ses hommes.
— Non ?
— Non, César. Ils ne comprendraient pas.
— Ils n’ont pas besoin de comprendre, ils n’ont qu’à obéir !
— Ils respectent Eutychianus. Et ils n’ont aucune raison de le mettre à mort.
— J’ordonne qu’on le tue !
— Non, persista Valerius Comazon, en soutenant le regard halluciné de Varius.
— Discutes-tu mes ordres ?
— Je le fais pour ton bien, César. Ton règne ne doit pas commencer par un meurtre. Qui plus est, celui de ton tuteur.
— Un meurtre est un meurtre, s’emporta l’adolescent. Que ce soit le sien ou celui d’un autre, quelle est la différence ?
— Celui-ci indignerait tes soldats. Et Maesa ne me le pardonnerait pas.
Varius se mit à trépigner de fureur, au bord de la crise de nerfs.
— Je
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