Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
protesta-t-il très fermement. Tu voulais qu’il meure, tu l’as exécuté de ta propre main. Je t’ai dissuadé de le faire mais tu n’as écouté que ta volonté.
Devant l’air dur et déterminé de son préfet, Varius ressentit le malaise du petit garçon qui se sait coupable et qu’on s’apprête à réprimander sévèrement. Alors, comme pour se protéger d’un châtiment inéluctable et pour échapper à la sordide réalité de son acte, il se jeta aux pieds du lit et se recroquevilla dans la position du fœtus.
Il était dans cette attitude, prostré et geignant, lorsque des pas précipités se firent entendre à l’entrée de la chambre.
Maesa entra dans la pièce, suivie de Soemias. Les deux femmes virent immédiatement le corps inerte d’Eutychianus, baignant dans une mare de sang, et leurs visages devinrent livides. En un éclair, la vieille Syrienne eut la révélation du drame qui venait de se produire.
— Qu’as-tu fait ? cria-t-elle à Varius.
L’adolescent, qui était maintenant complètement hébété, hochait la tête de haut en bas, murmurant des paroles inaudibles.
Sa grand-mère se dirigea vers lui et le releva brutalement. Le visage ulcéré, elle leva le bras et le gifla à toute volée.
— As-tu perdu la raison ? dit-elle en le secouant. Imbécile ! Le jeune empereur bredouilla quelques excuses incompréhensibles, tout en frottant sa joue meurtrie et en gémissant.
— Il est bien temps de regretter ! Cesse de pleurnicher !
Tandis que Varius affrontait la colère de sa grand-mère, Soemias continuait de regarder le corps ensanglanté d’Eutychianus, sans vraiment comprendre.
Maesa se retourna et s’adressa aux gardes :
— Emmenez le corps, ordonna-t-elle. Personne ne doit savoir.
Aussitôt, Comazon fit signe aux soldats d’emporter le cadavre.
— Vous avez entendu ? commanda-t-il à son tour à ses hommes. Pas un mot de tout ceci ! Celui qui s’avise de parler sera mis aux arrêts et crucifié.
— Non ! hurla alors Soemias en se précipitant vers Gannys.
Elle se jeta à genoux et, de ses doigts tremblants, lui caressa le visage en pleurant.
— Gannys, parle-moi… Ne meurs pas ! Gannys, ne me quitte pas ! s’écria-t-elle d’une voix entrecoupée de sanglots.
Mais aucune réponse ne sortit de la bouche définitivement close du beau Syrien. Au comble du désespoir, elle jeta autour d’elle des regards affolés sans cesser d’appeler à l’aide et de demander un chirurgien.
— C’est trop tard, fit sèchement Maesa.
Agenouillée près du corps sans vie de son amant, Soemias lui souleva la tête dans ses bras, embrassa ses lèvres, inonda de ses larmes son visage figé, en murmurant des mots entrecoupés :
— Gannys, Gannys… mais pourquoi ?… Oh, ce n’est pas vrai… Pourquoi ?
Varius regarda sa mère et, devant son visage décomposé par la douleur, se sentit à son tour envahi par une profonde émotion.
Toute l’horreur et l’absurdité de son geste lui apparurent et éclatèrent enfin dans son cerveau anesthésié. Son cœur se gonfla tout à coup de la souffrance de Soemias et il courut vers elle pour la prendre dans ses bras.
— Ne reste pas à genoux, mère, implora-t-il, lève-toi.
Profondément choquée, Soemias le laissa la soulever et la soutenir. Elle sanglota de plus belle sur son épaule.
— Pardon, dit Varius en couvrant son visage ravagé par les larmes. Pardon, pardon, pardon !
Mais sa mère ne semblait pas l’entendre.
— Ne pleure pas, supplia encore le jeune homme. Je suis désolé ! Est-ce que tu me pardonnes ?
Il caressa ses joues, plongea son nez dans les cheveux d’ambre, la serra contre lui pour la consoler.
— Je te donne Crésus, dit-il doucement, entre deux sanglots. Oui, prends-le, il est à toi, mère ! Je te laisse mon Crésus. Est-ce que cela te fait plaisir ?
CHAPITRE XI
Les semaines succédèrent aux semaines. Avec le retour du printemps, le cortège impérial put enfin franchir le Bosphore et passer en Europe. Il se remit en route dans les derniers jours du mois de mars et, de Byzance, gagna la Thrace.
Les litières et les chariots à bœufs furent abandonnés pour des chars plus rapides, afin de hâter la progression du convoi. Après la traversée de la Mésie et de la Pannonie, celui-ci arriva enfin en Italie.
En juillet 219, l’empereur était aux portes de Rome.
— Il ne veut toujours pas changer de vêtement, soupira Maesa. Je suis à court
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