Le scandaleux Héliogabale : Empereur, prêtre et pornocrate
venue te parler de choses sérieuses.
Cette entrée en matière provoqua une légère réaction et le jeune empereur se redressa sur son coude.
— Maintenant que tu as fait le tour du palais et pris possession de tes appartements, poursuivit Maesa, j’aimerais que tu m’accompagnes dans les bureaux impériaux.
— Pour quoi faire ?
— Pour que tu prennes conscience de ce que représente le gouvernement de Rome.
Cette remarque n’éveilla pas le moindre intérêt chez l’adolescent qui recommença à fixer les fresques au-dessus de sa tête.
— Il est temps que tu mesures l’ampleur de la tâche que tu dois accomplir, poursuivit sa grand-mère.
— Je sais ce que j’ai à faire, répliqua sèchement Varius.
— Vraiment ?
Il acquiesça sans parler, avançant seulement sa lèvre supérieure et faisant une moue affirmative. Maesa avait remarqué depuis longtemps qu’il s’était doté d’un répertoire de petits signes, de battements de cils, de grimaces, de mimiques délicates, comme un second langage.
— Je crois au contraire que tu n’en as pas la moindre idée, dit-elle posément.
Varius tendit la main en direction de l’esclave qui se tenait dans un coin de sa chambre.
— Apporte-moi à boire, lui ordonna-t-il.
Mais, d’un geste autoritaire, la princesse renvoya le domestique qui s’avançait, une coupe à la main, pour servir son maître.
— Un empereur ne passe pas son temps à se prélasser, lui reprocha Maesa. Désormais certaines responsabilités t’incombent.
— Je sais ce que j’ai à faire.
— Bien, fit Maesa. Alors laisse-moi seulement te rappeler ce qui t’attend. Premièrement, je t’informe qu’il te faudra te rendre régulièrement aux réunions du Sénat et les présider.
À cette simple annonce, Varius laissa échapper un profond soupir.
— J’irai, répliqua-t-il à contrecœur.
— Tu devras bien entendu prendre part aux débats et à toutes les décisions de l’assemblée. Et si tu ne peux pas aller à la Curie, tu devras néanmoins correspondre avec les Pères conscrits par l’intermédiaire des questeurs. Tu devras aussi participer aux commissions de rédaction des senatus-consulte (81) .
Varius ne put réprimer une grimace.
— C’est tout ?
— J’ai bien peur que non. Ce sera également à toi de nommer les magistrats et les promagistrats, ou de contrôler leur élection, de pourvoir aux charges publiques, de recevoir les plaintes des citoyens et d’examiner les affaires concernant l’administration de la ville.
Cette fois, l’adolescent toussa bruyamment, comme si quelque chose lui était resté en travers de la gorge. Et Maesa, encouragée de s’être si bien fait comprendre, poursuivit sur le même ton :
— Tu devras aussi faire procéder au recensement des chevaliers et à la mise à jour de la liste des sénateurs, veiller au bon fonctionnement de la vie quotidienne dans la capitale, à l’entretien des édifices et des espaces publics, des aqueducs, des thermes et des routes, sans parler de l’adjudication des grands travaux et de la perception des impôts.
Elle fit une pause, laissant l’adolescent à sa surprise, observant la blancheur qui envahissait ses joues pleines.
— Mais peut-être suis-je trop allusive, mon enfant ? Laisse-moi t’expliquer plus précisément ton travail. Tu devras surveiller les dépenses publiques et les recettes fiscales des provinces, vérifier l’approvisionnement de Rome, décider des distributions gratuites de blé, mais aussi maintenir un approvisionnement suffisant des marchés à un prix convenable, ce qui implique un contrôle systématique non seulement des réserves, mais également des voies d’acheminement et des transporteurs.
Le silence devint plus épais.
— Mais voilà que j’oublie l’essentiel, reprit la grand-mère d’une voix égale. Il te faudra également veiller au Trésor militaire, organiser les promotions et les retraites des soldats, ainsi que leur recrutement, payer les soldes, bien sûr, et aussi les primes, pourvoir à l’approvisionnement des camps militaires, organiser la défense le long des frontières de l’Empire, sans oublier le maintien de l’ordre à Rome même et la sécurité des habitants contre les incendies.
Varius se redressa sur son lit et avala sa salive :
— Je ne pourrai jamais faire tout ça, dit-il abasourdi.
Maesa hocha la tête gravement.
— Il le faudra bien, puisque tu es l’empereur. Enfin,
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