Le secret de la femme en bleu
lieux, leurs différents aspects. Dans l’action tout détail pouvait avoir une importance vitale.
Tout à coup, elle saisit Doremus par le bras, lui fit signe de se taire et l’attira dans un renfoncement.
— Je le connais, dit-elle, en désignant un homme âgé qui, à deux cents pas de là, donnait des ordres à un domestique.
— Moi aussi, par Dieu, indiqua à voix basse l’assistant des missi. Il représente ici le sénéchal, surveille les aménagements. Il s’appelle Hunault.
— En effet… Eh bien, maître, je l’ai aperçu très souvent chez Rotrude.
— Que me dis-tu là !
— Apprends aussi que, pendant plusieurs années, il a été à son service – ou plutôt à celui de cette Hildegarde, sa mère, que Charles, dit-on, a tant aimée – alors qu’elle n’était encore qu’une fillette. Il lui est demeuré très attaché, en vérité tout dévoué !
Doremus caressa longuement son crâne chauve et sa nuque, indice d’une grande perplexité.
— Voilà qui ne va rien simplifier ! lâcha-t-il.
— D’autant que… Vois-tu, Rotrude m’avait fait comprendre qu’elle disposait d’un allié dans la place…
— Hunault sans doute ?
— Il se peut, dit-elle avec une moue qui exprimait sa perplexité… Mais s’il s’agit de lui, et comme sa loyauté paraît au-dessus de tout soupçon, pourquoi a-t-elle insisté pour que je vienne surveiller – je ne trouve pas d’autre mot – ce qui se passe ici ? Est-elle moins assurée de cette loyauté qu’elle ne le prétend ? Ou encore… cet « allié » douteux serait-il autre que Hunault ?
— De mal en pis ! apprécia l’ancien rebelle d’un air pensif.
Hunault s’étant éloigné, Doremus et Lithaire purent reprendre leur inspection qui se termina au palais. La jeune femme examina longuement la chambre où la tuerie avait eu lieu, la disposition des pièces et logis dans l’aile droite, enfin la salle où avaient été entreposés les coffres et où un garde avait été poignardé. Puis, toujours accompagnée par son guide, elle se dirigea vers la porte du nord et le port sur la Moselle. Comme ils arrivaient à l’embarcadère, ils aperçurent Timothée qui les attendait.
— Enfin vous voici ! s’écria-t-il. Il y a du nouveau du côté de la fontaine à l’orme. Ce matin, au marché, j’ai rencontré la fermière qui était venue vendre des œufs et du lait. J’ai pu obtenir d’elle des renseignements sur nos Aquitains… ou prétendus tels…
— Je vois… plaça Doremus.
— Tu ne vois rien du tout ! Elle m’a indiqué, sans trop se faire prier, moyennant deux ou trois deniers, que ses hôtes lui avaient demandé des provisions de route pour deux journées. Ils comptent partir demain dans la matinée, destination non précisée, et revenir le jour d’après.
— Un déplacement qui se veut, semble-t-il, discret, sinon pourquoi éviteraient-ils de prendre leurs collations dans des tavernes ?
— Un déplacement discret ? Je voudrais en être certain, dit le Goupil. Tout cela m’a semblé facile, trop facile… Je me demande, par exemple, comment ce cavalier qui est passé si près de nous dans ce bois a pu ne pas nous apercevoir… Et ces renseignements qu’on m’a communiqués de bonne grâce avec je ne sais quoi de moqueur dans le regard… Oui, de trop bonne grâce… Avec ces Aquitains, gens malins, j’ai l’impression de jouer au chat et à la souris et je ne suis pas sûr d’être le chat !
— Chats ou souris, notre devoir est clair. Je te ferai savoir ce que notre seigneur aura décidé, avant la nuit, à Yutz, par Sauvat.
— Qu’il me rejoigne à l’heure du souper à la taverne de Maître Grimod. Il n’y en a que deux dans le bourg.
— Je sais ! dit Doremus. Ah ! j’allais oublier : Hunault est ici.
— Je sais, répliqua le Grec à son tour.
— Sans doute, mais pas tout !… Lithaire se fera un devoir, et un plaisir, de t’en apprendre un peu plus sur le personnage et, par la même occasion, sur la princesse Rotrude. Tu vas voir : cela donne à penser.
Sauvat et Doremus avaient dissimulé leurs chevaux derrière des halliers deux cents pas avant la fontaine à l’orme, Timothée le sien trois cents pas après. Selon le Grec, le chemin le plus aisé et le plus rapide pour quitter la ferme était encore la sente conduisant directement à la route principale, donc à la fontaine ; mais il ne pouvait exclure qu’il existât des sentiers en oblique, plus discrets.
— Cependant,
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