Le secret de la femme en bleu
conduisant l’attaque il renouvela cet appel.
Sans doute les agresseurs s’attendaient-ils à trouver, à l’exemple de ce qui avait pu se passer lors du premier coup de main, la porte du logis, ou au moins ses fenêtres, ouvertes. Au lieu de cela ils se heurtèrent à une défense solide, fenêtres obturées par des panneaux, toutes issues fermées. Subitement des serviteurs apparurent, portant des torches qui éclairaient les assaillants. A l’intérieur de la pièce Sauvat se tenait à droite de la porte, les deux auxiliaires, dague en main, à gauche. Lithaire s’était précipitée devant le berceau du petit Hugues et la couche qu’occupaient Blanche et le jeune Drogon. Regina l’avait rejointe tenant également une arme.
A cet instant on frappa à coups redoublés la porte qui donnait sur le couloir intérieur.
— C’est moi, cria-t-on, moi, Médéric ! J’arrive à la rescousse ! Ouvrez !
Le garde que Doremus avait posté devant cette issue, loin d’obtempérer, continua de la bloquer en empilant coffres et tables.
Sauvat entendit alors un sifflement strident : il lui indiquait que Doremus, l’autre garde, voire Timothée, étaient sur les talons des agresseurs. Il ouvrit la porte d’entrée au moment où l’un de ceux-ci chargeait pour l’enfoncer. Ce dernier, ne trouvant plus aucun obstacle devant lui, se trouva déséquilibré et pénétra, autrement qu’il l’aurait voulu, le buste en avant dans la salle. L’épée de Sauvat s’abattit et la tête de l’homme décapité roula sur le plancher. Celui qui le suivait immédiatement reçut au flanc une blessure mortelle que le même Sauvat lui infligea en frappant de taille.
Mais déjà Doremus, surgissant derrière les assaillants, avait plongé son glaive dans le dos de l’un d’eux, vêtu comme un milicien. Timothée, lui, avait assommé d’un coup de gourdin un autre agresseur qui s’était écroulé. Le dernier d’entre eux, celui qui avait dirigé l’attaque, avait pénétré dans la pièce, en enjambant les cadavres. Il vociférait, hors de lui. Malgré le signe que lui avait adressé Sauvat, désirant capturer vivant le meneur, l’un des auxiliaires postés à la gauche de l’entrée frappa le sicaire au thorax avec son coutelas. L’homme s’immobilisa, regarda autour de lui et, avec un visage qui exprimait une haine monstrueuse, proféra :
— Comment ?… Tous ceux-là ici ?… Mais… qui ? Médéric, fils d’une truie pesteuse et d’un bâtard galeux… tas de merde… Est-ce ainsi que…
Le flot de sang qu’il vomit interrompit son invective… Il plia lentement les genoux en portant une main à sa bouche, puis s’affaissa. On crut entendre :
— Oh ! Dieu…
La vie le quitta.
Sauvat jeta à l’auxiliaire qui l’avait tué un regard noir, mais il s’abstint de tout reproche.
Au moment où Doremus, Timothée et le garde qui se trouvait avec eux pénétrèrent dans la pièce, Régina, en compagnie de Lithaire et de Blanche, soulevant la tenture qui masquait la partie de la salle réservée à ses fils et à elle-même, apparut, ayant toujours à la main la lame qui lui avait été confiée. Les femmes n’avaient entendu que les bruits du combat qui, d’ailleurs, avait été très bref. Elles en découvrirent avec horreur les effets : un homme décapité (sa tête avait roulé à cinq pas de son tronc), un autre étendu, mort, dans une large plaque d’un rouge sombre, un troisième couché sur le ventre qui semblait avoir été égorgé, dont la face et tout le haut du corps baignaient dans le sang, puis, dehors, éclairés par des torches, deux autres corps étendus. Régina, lentement, fixa tour à tour ses sauveurs dont Sauvat, Doremus, un auxiliaire, qui n’avaient pas rengainé leurs armes sanglantes, et Timothée qui tenait toujours son gourdin. Elle passa la main sur son visage.
L’assistant du missus fit un signe au garde qui avait maintenu fermée la porte sur le couloir. Quand elle put enfin être ouverte, Médéric, glaive en main, entra, accompagné par trois miliciens. Il regarda les vivants et les morts, les femmes pâles et muettes, secoua la tête avec un air d’incrédulité et remit, sans un mot, son arme au fourreau.
Le silence, dans cette salle où de nombreuses torches et lanternes éclairaient maintenant, comme figé, un spectacle tragique, parut interminable ; les nombreux curieux qui se pressaient dans la nuit, devant l’entrée, s’étaient tus.
— Comment dire ce
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