Le Secret de l'enclos du Temple
cloche de la chapelle de Mercy que nous installerons au château. Il s'agira du signal du rassemblement. Les gens de la ferme devront alors amener tous les animaux et le bétail dans la cour.
— Ce sera difficile, monsieur, objecta Gaspard. Au moment de l'alerte, il sera peut-être trop tard.
— Si des troupes cantonnent effectivement près d'ici, il faudra installer des guetteurs et nous prendrons d'autres précautions, par exemple en laissant le bétail paître à proximité. Mais il convient surtout de songer à la récolte. Sitôt les blés coupés et battus, on ne les entreposera pas dans les granges mais dans le grenier du château. Margot fera faire des sacs. Nous essayerons de moudre tout ce qui est possible en farine. Quant aux foins, il sera aussi remisé dans les écuries et les granges de la cour, ainsi que dans les logements.
— Mais où dormiront les domestiques ? s'inquiéta Margot.
— Nous nous serrerons. Mme la marquise quittera son appartement du second étage et s'installera chez moi avec les enfants et la nourrice, l'espace libéré allant aux domestiques. Dans l'aile droite, on aménagera des chambres au-dessus de l'armurerie pour les gens de Mercy et ceux de la ferme, s'ils doivent se réfugier ici. Rien de bien confortable, mais c'est une situation qui ne durera pas. Nous ne sommes pas en guerre, ne l'oublions point, et même si des pillards nous attaquent, une fois tous à l'abri, nous saurons nous défendre. En quelques heures, ou au pire quelques jours, le prévôt des maréchaux et les prévôts militaires se porteront à notre secours. Il y a un puits dans la cuisine et nous aurons suffisamment de nourriture et de fourrage.
Il se tourna vers Hardoin :
— Michel, vous élèverez une épaisse palissade de bois pour qu'on ne puisse forcer la grille. Lors des travaux de construction, vous aviez aménagé des trous le long des murs du premier étage afin d'édifier une galerie de hourds. C'est le moment de les utiliser.
*
À la fin de la semaine, alors que Michel Hardoin dressait la solide barrière de chêne doublant la grille, un armurier livra les mousquets, la poudre et les balles achetés par Gaston. Il y avait aussi dix corselets et dix cabassets 121 . Bauer rangea ce matériel dans l'armurerie, et dès le lendemain l'entraînement commença. Il avait lieu le soir, après le souper.
Les hommes valides se rassemblaient devant le château, non loin des écuries, et Bauer faisait manœuvrer les piquiers tandis que Louis surveillait l'entraînement au tir. Au début, tous deux crurent qu'ils ne parviendraient jamais à un résultat tant les paysans se montraient patauds et impénétrables à la discipline. Pourtant, peu à peu, les choses s'améliorèrent. Nicolas surmonta ses peurs et fut même nommé lieutenant, tout comme Esprit Ferrant. Maurecourt reconnut de son côté que s'il avait eu un tel entraînement avec les garçons de sa ferme, il aurait aisément repoussé les pillards s'étant attaqués à eux.
D'autres hommes furent nommés sergents, d'autres encore guetteurs ou estafettes. À la fin du mois, Bauer jugea avec satisfaction qu'il disposait d'une petite armée dont il pouvait être fier et, chaque dimanche, une montre générale – c'est-à-dire un défilé – se déroulait après la messe de la chapelle au château. Les hommes marchaient au pas martialement, en quatre dizaines, avec fusils, piques et épées pour ceux qui en avaient. Les capitaines, lieutenants et quelques tireurs portaient corselets et casques. Bauer et Louis dirigeaient la troupe tandis que femmes et enfants les acclamaient follement le long du chemin.
Mais les travaux agricoles n'étaient pas négligés pour autant. Les récoltes s'annonçaient bonnes. Le bétail se révélait gras et les volailles nombreuses. Sans nouvelles de ce qui se passait à Paris, l'inquiétude de Louis se dissipa et il se plongea dans les livres achetés à Cramoisy. Il songeait de plus en plus à se rendre dans l'enclos du Temple pour vérifier ce qui avait attiré son attention.
C'est dans cet état d'esprit qu'il reçut la visite de ses parents. À peine descendu de voiture, M. Fronsac annonça à son fils la bonne nouvelle : Mazarin avait cédé sur tout !
Louis et Julie se firent alors raconter en détail les événements survenus depuis la mi-juin.
Malgré l'interdiction de la reine, les cours souveraines s'étaient à nouveau réunies dans la Chambre de Saint-Louis pour confirmer l'arrêt
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