Le Secret de l'enclos du Temple
ressources des armées. Quant à M. Broussel, il souhaitait remettre en question les baux des gabelles et les contrats de ferme alors que Mgr Mazarin venait de conclure un accord avec les traitants afin de remplir un peu les caisses de l'État.
Boutier, le dimanche, annonça que le Parlement venait de décider des poursuites contre les plus riches partisans : MM. Catelan, Tabouret et Lefebvre. Selon lui, si on laissait faire la Chambre de Saint-Louis, la ruine de l'État était certaine. Il invita aussi Gaston, quasiment guéri, à venir le 25 août, jour de la Saint-Louis, assister à l'office de l'église Saint-Paul des jésuites. Toute la Cour y serait pour écouter le sermon de Paul de Gondi.
Gaston et Armande s'y rendirent et, bien qu'ils dussent rester debout, au fond – par manque de place –, ils entendirent en entier le sermon emporté et séditieux du coadjuteur. En sortant, le chancelier Séguier s'approcha de Gaston.
— Monsieur de Tilly, je suis heureux de voir que vous êtes remis. Il y aura un Te Deum demain à Notre-Dame en l'honneur de la victoire de Lens. J'aurais aimé vous y voir. Madame, ajouta-t-il en se tournant vers Armande, après ce Te Deum, j'aurais besoin de votre mari, ne vous inquiétez donc pas si vous ne le voyez pas rentrer.
Il partit et Gaston s'interrogea sur la signification de ces paroles.
Dans la soirée, on tira des feux d'artifice sur la place Royale. La ville était en fête, toutes les querelles apparemment oubliées.
Le lendemain, à la pique du jour, les canons de l'Arsenal tirèrent des salves pour annoncer le Te Deum. Accompagnés de François et de leur second laquais, Gaston et Armande arrivèrent à Notre-Dame à neuf heures en chaise à porteurs. Dans l'île, toutes les rues étaient bordées de soldats du régiment des gardes. Si c'était l'usage quand le roi se déplaçait, Tilly remarqua des troupes plus nombreuses qu'à l'habitude. La chaleur était déjà écrasante.
À la cathédrale, ils durent attendre longtemps dehors tant il y avait de monde. Tout le Parlement était présent, en robe rouge. Le duc d'Orléans, entouré de serviteurs parmi lesquels Gaston reconnut l'abbé de La Rivière, M. Goulas et M. de Choisy, se trouvait en compagnie des présidents des chambres, en robe noire. Ils se rangèrent devant le porche de Notre-Dame quand apparut le carrosse de la reine avec le jeune roi et son frère. Suivaient la voiture de son éminence, Mgr Mazarin, puis celles des secrétaires d'État. Une haie continue de gardes suisses protégeait les carrosses à mesure qu'ils s'arrêtaient sur le parvis et que leurs passagers en descendaient.
Dans la cohue, Gaston aperçut enfin M. Séguier en compagnie de M. Boutier. Tilly et son épouse entrèrent parmi les derniers et furent placés au fond de la nef.
Le Te Deum fut chanté pendant plus de deux heures. À la sortie, Gaston conduisit Armande à leur chaise, où les laquais les attendaient, et après leur départ, se rendit au carrosse de M. Séguier.
*
Il vit enfin sortir le chancelier, accompagné de sa fille – la duchesse de Sully 126 –, d'un de ses secrétaires et d'un exempt chargé d'assurer sa sécurité. Sur le parvis, Séguier échangea quelques mots avec la reine, puis avec le cardinal Mazarin, avant d'embrasser sa fille et de rejoindre sa voiture. Le visage fermé et contrarié, il n'eut pas un sourire en voyant Gaston.
— Monsieur de Tilly, fit-il seulement, très pâle, montez donc près de moi.
L'un des deux laquais ouvrit la portière, déplia l'escabeau, et aida le chancelier. Ensuite, ce fut au tour de son secrétaire, puis de Gaston qui s'assit à côté du secrétaire. L'exempt s'installa près du cocher et fit signe aux quatre sergents à verges les suivant à cheval de se tenir prêts.
Les laquais se placèrent sur la plateforme arrière et le carrosse se mit lentement en route, prenant place dans l'immense convoi des voitures en train de quitter le parvis.
— Monsieur de Tilly, dit alors le chancelier d'une voix peu assurée, le gouvernement a décidé de revenir sur les concessions octroyées au Parlement. En ce moment, le lieutenant des gardes de la reine arrête le président de Blancmesnil et le conseiller Broussel. J'ai déconseillé l'emploi de la force, mais Sa Majesté est intraitable. Je souhaitais vous garder près de moi, car j'aurais immanquablement besoin de vous si cette arrestation provoque du tumulte. Ce que je crains.
— Peste ! Vous
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