Le Secret de l'enclos du Temple
nécessaire, il proposait que la compétence de juridiction soit invoquée au Conseil des parties. Le cardinal avait reconnu ses arguments, à charge pour Tilly de rédiger un mémoire à ce sujet.
Gaston le promit pour les jours à venir, satisfait d'apprendre que l'abbé Fouquet était bien l'instigateur de la machination. Mis en confiance, il fit part au chancelier de ses découvertes sur l'enlèvement, sans doute une intrigue conduite contre M. de Bussy. Malheureusement, le responsable de la cabale – un moine du couvent de la Merci – avait été découvert mort, et il était désormais difficile de connaître le véritable instigateur.
Le chancelier lui demanda de poursuivre son enquête. Tant que les troubles actuels se poursuivaient, le Parlement ne pourrait guère faire de pression sur la prévôté de l'Hôtel.
*
Quelques jours plus tard, Angélique de l'Étoile annonça à Armande et à son mari qu'elle les remerciait de l'avoir logée si longtemps, mais qu'elle allait quitter leur appartement. Au théâtre du Marais, elle avait rencontré un avocat à la Cour des Aides, veuf et follement amoureux, qui lui avait proposé le mariage. Le surlendemain, les Tilly invitèrent l'avocat à souper pour faire sa connaissance. Charles Régus était un petit bonhomme chauve et replet, fort mal assorti avec la belle Angélique, mais plein d'humour, d'un esprit fin, et surtout bien informé sur ce qui se passait à Paris. À l'occasion de ce dîner, il leur livra quelques confidences.
Selon lui, le cardinal Mazarin était plus que jamais décidé à ne rien respecter des accords conclus fin octobre et préparait avec fièvre la mise au pas des Parisiens par l'armée de Condé. En face, le Parlement se divisait entre les plus radicaux et ceux qui craignaient pour leurs biens. Enfin, au petit archevêché, le coadjuteur et ses amis poursuivaient une sourde agitation. Paul de Gondi n'avait pas obtenu la charge de gouverneur de Paris qu'on lui avait fait miroiter et savait qu'il ne deviendrait jamais cardinal tant que Mazarin serait là. Il entreprenait donc tout pour le déconsidérer. Jamais on n'avait trouvé au Pont-Neuf autant de placards diffamatoires envers la reine et le ministre.
Mais selon le futur mari d'Angélique, le grand dessein de Paul de Gondi consistait surtout à détacher les princes et les grands de la Cour. Ce n'était pas si difficile, tous haïssant le Sicilien. Au surplus, le coadjuteur avait parfaitement percé les vices et les ambitions de chacun. Ainsi, Gondi rencontrait souvent le duc de Longueville dont il disait pourtant à ses amis qu'il n'était qu'un homme médiocre et pusillanime, car s'il aimait les commencements de toutes affaires , il se révélait incapable de les soutenir .
Par le marquis de Fontrailles, le coadjuteur s'était aussi réconcilié avec M. de La Rochefoucauld, dont il avait été longtemps l'ennemi. Ce dernier estimait ne pas avoir été récompensé par la reine pour ce qu'il avait fait à son service, ce à quoi Gondi souscrivait. Par lui, le coadjuteur s'était rapproché de sa maîtresse, Mme de Longueville. Depuis que la sœur du prince de Condé était revenue de Munster, elle était en fureur contre son incestueux amant. Gondi trouvait à la jeune femme beaucoup d'esprit, malheureusement desservi par une prodigieuse paresse, une ambition démesurée et surtout un goût effréné pour la galanterie. Pourtant, il la flattait et la cajolait, Mme de Longueville constituant une pièce majeure dans son entreprise puisqu'elle dominait à la fois M. de La Rochefoucauld et son frère Conti. Certes, ce dernier n'était qu'un zéro, aux yeux du coadjuteur, mais il tenait à le mettre en avant en attendant de pouvoir utiliser au mieux le duc de Beaufort.
À cette collection d'incapables imbus d'eux-mêmes et faciles à manipuler, Gondi avait ajouté le duc d'Elbeuf, prince ruiné de la maison de Lorraine réputé pour son absence de sens commun, et M. de Bouillon, ancien prince de Sedan, réduit à la nécessité par le mauvais état de ses affaires domestiques. Lequel Bouillon désirait être reconnu comme prince de maison souveraine, prétention extravagante que Gondi appuyait car son frère Turenne commandait l'armée du Rhin. De surcroît, le coadjuteur dirigeait M. de Bouillon par l'intermédiaire de sa femme à qui il obéissait en tout.
Le futur époux d'Angélique savait aussi que le coadjuteur poussait M. de Chevreuse afin qu'il obtienne le retour
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