Le Secret de l'enclos du Temple
de M. de Bussy, et que je souhaite maintenant connaître son sentiment. Car ce que j'ai appris pourrait inciter votre frère à la négociation.
— Vous êtes bien mystérieux ! Est-ce un nouvel enlèvement ? ricana Condé. Parlez-nous plutôt de la bougresse ! Est-elle au moins jolie ?
Cette fois, toute l'assistance s'esclaffa. Le prince fit quelques pas à grandes enjambées, avant de reprendre, sérieusement :
— Je ne pense pas que vous, et encore moins Bussy, soyez capable de convaincre le petit singe. Mon frère a seulement besoin d'une leçon, et je vais la lui donner… Mais d'un autre côté, cette guerre commence à m'ennuyer. Les Parisiens vont peut-être mourir de faim, mais moi ce sera de fatigue !
Il salua ses compagnons qui rirent à nouveau avec complaisance.
— Il n'y a point de péril avec ces gens, et donc point d'honneur à gagner, poursuivit-il. Ils ne disputent pas assez la partie, et nous n'y avons point de plaisir ! Qu'ils se rendent, ou qu'ils se battent bien ! s'exclama-t-il.
Un brouhaha d'approbations s'éleva.
— Pendant ce temps, l'Espagnol se rapproche ! Je ne veux plus perdre de temps ici ; alors, si vous connaissez une formule magique pour que tout se termine vite, Fronsac, je veux bien l'entendre.
— Il n'y a pas de formule magique, monseigneur. Je vous l'ai dit, si je peux convaincre M. de Bussy, votre frère réduira ses prétentions. Je l'ai rencontré, il m'a donné sa parole.
— Une garce ? Je suis sûr que c'est une garce !
De nouveau, les rires éclatèrent.
— Non, monseigneur.
— Vos secrets m'irritent, Fronsac, je ne suis pas patient, vous le savez ! Que voulez-vous de moi ? s'emporta brusquement Louis de Bourbon.
— Je ne peux joindre M. de Bussy, car j'ignore où il se trouve…
Condé leva une main.
— Je ne puis le rappeler maintenant, Fronsac, mais dans quelques jours, il sera à Saint-Denis. Il y trouvera un courrier de ma part et viendra vous voir, cela vous convient-il ?
— Merci, monseigneur.
Condé grimaça un sourire et lui fit signe de sortir.
Louis s'inclina, puis salua les amis du Prince. Il allait se retirer quand le Prince déclara, d'un ton cordial qui n'était pas dans ses habitudes, Condé préférant gagner les batailles que les cœurs, comme le dirait plus tard la duchesse de Nemours :
— Mes amis, souvenez-vous bien de ce que je dis maintenant : M. Fronsac est l'homme le plus habile de la Cour, mais aussi le plus discret. Quand tout sera fini, Fronsac, me direz-vous la vérité ?
Louis hésita, puis lâcha :
— Oui, monseigneur, quand tout sera terminé.
Si Conti obtenait le trésor du Temple, il serait si riche qu'il n'y aurait plus rien à cacher !
50
L es jours s'écoulèrent. Le 22 mars, Louis apprit que le maréchal du Plessis-Praslin avait repoussé les Espagnols. Les négociations traînaient toujours. Enfin, le jeudi de l'Annonciation, le comte de Bussy entra dans la grande salle de l'auberge où Louis sommeillait sur un banc en compagnie de Guillaume.
— Monsieur Fronsac ! cria-t-il joyeusement en l'apercevant.
Il se précipita à sa table et les deux hommes s'accolèrent.
Enfin ! songea Louis.
— Je suis rentré de Brie cette nuit, expliqua Bussy, et ce matin, tandis que je lisais les ordres de Monsieur le Prince, ces gueux de frondeurs ont volé mon carrosse à Saint-Denis. Je n'ai pu arriver plus vite !
— Montons dans ma chambre, proposa Louis, je préfère que personne n'écoute ce que j'ai à vous dire. Comment s'est passée votre campagne en Brie ?
— Beaucoup de fatigue et peu de péril ! Je suis las comme un chien ! Il y a huit jours que je ne me suis déshabillé ! Parlons un peu de la paix, qu'en croit-on à Paris ?
Dans l'escalier de l'étage, Louis raconta ce qu'il savait.
— Il est étrange que les deux parties souhaitent tant la paix et qu'on n'en puisse venir à bout ! ironisa le comte.
*
C'est dans sa chambre que Fronsac lui expliqua la situation : il avait découvert où se trouvait le trésor du Temple, et il pouvait le lui dire, mais il savait aussi que, dès la paix signée, le Parlement, à la demande du procureur général Fouquet, reprendrait les poursuites contre lui. Plusieurs, dans l'entourage de Mazarin, étaient favorables à un exemple contre ceux qui enlevaient des femmes. On parlait de le déchoir de la noblesse et de l'envoyer aux galères.
— Le Prince me protégera, assura Bussy, avec un soupçon
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