Le Secret de l'enclos du Temple
fumer vos terres 42 !
— S'il faut en arriver là… répondit-il, fataliste. En vérité, je ne suis pas venu vous parler de mes amours, mais quérir un conseil.
— Un conseil ? sourit-elle, en ouvrant de grands yeux surpris.
— Oui. Mon oncle m'a offert une maison dans l'enclos du Temple. Il y a encore quelques aménagements à terminer pour qu'elle soit habitable, mais dès que je l'aurai meublée, j'espère avoir votre visite…
— Je viendrai, promit-elle.
— Durant les travaux, j'ai trouvé un vieux coffret dans un mur. À l'intérieur, il y avait un ancien parchemin avec quelques mots en latin et des chiffres incompréhensibles. Je suis sûr que ce message pourrait me conduire à un trésor.
— Le trésor des templiers ? s'esclaffa-t-elle.
— Ce serait bien possible, cousine, mais je ne comprends rien à ce document. Vous qui connaissez tant de monde à Paris, savez-vous qui serait à même de m'aider ? Quelqu'un capable de percer les mystères les plus sombres, tout en étant d'une honnêteté absolue.
— Je ne suis pas sûr qu'un tel homme existe à la Cour ! sourit la marquise avant de réfléchir un moment et de proposer :
— Vendredi après-midi, la marquise de Rambouillet invite quelques amis à fêter la naissance de sa petite-fille. Retrouvez-moi chez elle, je vous présenterai à quelqu'un qui résoudra votre problème.
— Qui est donc ce sorcier ? s'étonna-t-il.
Elle leva une main avec espièglerie.
— Je vous laisse la surprise, mon cousin.
— Vous êtes certaine que je pourrais lui faire confiance ?
— Comme à moi-même !
— Mais je ne suis pas invité par la marquise, objecta-t-il avec inquiétude.
— Je me charge de vous faire inviter, décida-t-elle. J'enverrai un mot à Mme de Rambouillet.
*
Le jeudi, Basile Fouquet se rendit au Temple dans une vinaigrette, cette chaise montée sur deux roues et tirée par un homme placé entre deux brancards comme un mulet.
Affable avec chacun, y compris avec les gens de la plus basse extraction, l'abbé avait le ton le plus honnête du monde. Il se lia vite avec un sergent de garde qui lui apprit que M. Roger de Rabutin logeait chez son oncle, dans l'hôtel des prieurs. Avisant un peu plus tard deux servantes qui sortaient de l'hôtel en question, il leur fit un brin de cour.
L'abbé avait de beaux yeux langoureux et ses traits reflétaient sa noblesse et sa bonté. Séduites par sa grâce et sa courtoisie, les domestiques lui avouèrent que M. de Rabutin était un homme charmant, qu'elles appréciaient fort, mais qu'il allait bientôt loger, avec ses gens, dans une maison en travaux, derrière l'église, et qu'elles le regretteraient.
Il s'y rendit et trouva sans difficulté la maison dont les ouvriers débarrassaient les derniers échafaudages. Il entra sur le chantier et se dirigea vers le maître maçon en balayant les lieux d'un regard intéressé.
— Cette maison est splendide ! déclara-t-il. Serait-elle à vendre ?
— Je ne crois pas, monsieur. Elle appartient au grand prieur qui vient de l'offrir à un de ses parents.
— C'est dommage ! regretta l'abbé d'un ton affligé. Je cherche, pour mon frère, un logis dans l'enclos.
Il se tut un instant, admirant visiblement les proportions de la salle.
— Si je pouvais l'acheter, je vous verserais le denier vingt 43 sur la vente, précisa-t-il.
— Vraiment ? Voulez-vous que j'en parle au propriétaire ?
— Volontiers, je repasserai plus tard. Dites-lui que je ne barguignerai pas sur le prix qu'il en veut.
Il le salua et repartit, songeant tout de même avec inquiétude que si Bussy voulait vendre, cette maison risquait fort de lui coûter vingt mille livres.
Le maître maçon, alléché par sa commission, se rendit un peu avant midi à l'hôtel du prieur. Il y rencontra justement Roger de Rabutin qui venait dîner, et lui rapporta la proposition de l'inconnu.
La demande surprit le maître de camp, mais il n'y attacha aucune importance. Tout juste répondit-il à l'intercesseur que, pour tout l'or du monde, il ne se séparerait pas de cette demeure.
C'est la sentence que reçut l'abbé Basile en début d'après-midi quand il se présenta à nouveau. Comme il se doutait un peu de la réponse, il décida de passer à la seconde partie de son plan.
Quand il était au service du coadjuteur, Basile Fouquet avait connu un moine du couvent des pères de la Merci, le père Clément, qui transgressait le secret de la
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