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Le Secret de l'enclos du Temple

Le Secret de l'enclos du Temple

Titel: Le Secret de l'enclos du Temple Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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dans les ordres que mariée à un roturier, ancien domestique de surcroît.
    Ils passèrent l'antichambre. Toutes les pièces en enfilade, jusqu'à la grande chambre de parade au plafond d'azur bourdonnaient déjà de monde. Les habits de soie et de satin des invités resplendissaient, les rubans multicolores rutilaient, les bijoux et les diamants scintillaient sous les lustres aux centaines de bougies.
    Pour l'occasion, la marquise avait fait tendre les murs de tapisseries de brocatelle à fond or et bleu. Une armée de laquais présentait sur des plateaux précieux des confiseries et des fruits confits, ou servait du clairet de Bezons et des crus de Beaune. Sur une estrade, quatre musiciens, tous vêtus de turquoise, jouaient doucement de la viole.
    Louis cherchait des yeux la marquise quand Chavaroche lui expliqua qu'elle se trouvait dans son oratoire avec M. Arnault et Madame la Princesse 45 . Il les conduisit vers la dernière salle en les présentant aux invités qu'ils croisaient et en leur adressant des compliments comme s'il était le maître de maison. Julie et Louis glissèrent ainsi quelques mots à Gédéon Tallemant et à son épouse Élisabeth, en compagnie de Louise Moillon de Chancourt. Ils s'inclinèrent légèrement devant Chapelain, toujours couvert de hardes, et qui ne répondit pas à leur salut tant il jouait à l'affairé avec l'abbé Gilles Ménage. Ce dernier profita pourtant du passage des Fronsac pour rejoindre un groupe de jolies femmes, celles-ci comptant autant dans sa vie de grammairien que les règles de syntaxe.
    Arrivés dans la chambre bleue, ils croisèrent le duc de La Rochefoucauld qui ôta son chapeau emplumé et leur fit une fort courtoise révérence. Le duc se trouvait avec Mme de Longueville – la sœur du prince de Condé – dont la robe de damas était tellement chargée de broderies, de franges, de perles et diamants qu'on ne voyait plus la couleur du tissu. Louis remarqua qu'elle était toujours aussi belle que dans ses souvenirs. C'est du reste certainement ce que pensait La Rochefoucauld, lequel la couvait du regard.
    Dans une alcôve, ils aperçurent Vincent Voiture en compagnie d'Angélique-Clarisse, la dernière fille de la marquise, celle à qui Chavaroche faisait la cour. Fortuitement, le regard de Julie croisa celui de l'intendant. Elle y lut une furieuse jalousie, tandis que Louis s'arrêtait pour dire quelques mots à Voiture. Afin d'éviter une altercation qu'elle pressentait, Julie fit presser son époux en déclarant que sa tante les attendait avec impatience.
    L'intendant fut contraint de les suivre et ils atteignirent enfin la porte de l'oratoire de la marquise. Après avoir gratté à l'huis et entendu l'ordre d'entrer, Chavaroche ouvrit la porte.
    *
    La marquise, vêtue d'une robe de satin noir serrée au cou, était assise sur une chaise haute, très éloignée du feu tant elle craignait la chaleur. Elle avait près d'elle madame la princesse douairière de Condé, qui tenait à la main un chapelet de grosses perles, et Antoine Arnauld, qui affichait comme toujours son air profondément tourmenté. Les Fronsac les saluèrent tous trois respectueusement. Louis savait que la marquise de Rambouillet était tombée en dévotion, tout comme la princesse de Condé depuis la mort de son mari. Quant à Antoine Arnaud, après la parution de De la fréquente communion , il s'était fait tant d'ennemis qu'il ne se montrait pratiquement plus en public. Son livre soulevait une controverse qui lui échappait. Au début de l'année, un bref du pape avait même condamné une des propositions de l'ouvrage. Ses amis avaient riposté par un violent pamphlet que le lieutenant civil avait fait brûler en place de Grève. Le Parlement, entraîné par le conseiller Broussel, défenseur du gallicanisme, avait protesté, accusant les jésuites et le pape de vouloir imposer leur autorité en France. Depuis, Mazarin louvoyait entre les deux factions, aussi intolérantes l'une que l'autre.
    Sur un signe de sa tante, Julie s'assit à côté d'elle, sur un tabouret, et prit de ses nouvelles, tandis que Louis demeurait debout.
    La marquise n'avait plus cet air enjoué et moqueur qu'il appréciait tant, et son austérité semblait renforcée par sa robe sombre et ses cheveux gris. Certes, elle était toujours aussi gracieuse, mais on devinait à son visage que c'était la vie qu'elle connaîtrait dans l'au-delà qui désormais l'intéressait. Louis savait qu'elle passait son

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