Le Secret de l'enclos du Temple

le dernier doux avec la fille de Mme de Rambouillet.
    — Vincent ne peut changer ! railla Gédéon en haussant les épaules. Tu as remarqué combien Angélique-Clarisse ressemble à sa sœur Julie ?
    Louis opina.
    — Eh bien, tu es loin de la vérité ! Cette petite vipère est encore plus méchante, hautaine, pédante et offensante que sa sœur, qui peut facilement être comparée à un ange quand elles sont ensemble. C'est à croire que Vincent ne s'attendrit qu'avec ce genre de harpie !
    — J'ai remarqué qu'il n'était pas le seul à la couver des yeux, sourit Louis.
    — Chavaroche ? En effet, l'intendant s'est mis en tête d'être anobli, et d'épouser la petite peste. Je crains le pire, Louis ! Et je ne plaisante pas ! Ils se battront comme deux coqs de basse-cour !
    — Ni Voiture ni Chavaroche ne ressemblent à ton beau-frère, M. de Ruvigny, rassure-toi ! Connais-tu le cousin de Mme de Sévigné, je dois le rencontrer…
    — M. de Bussy-Rabutin ? Vaguement… Un galant homme, et un bon soldat. Malheureusement grand coureur de jupons, et trop amateur de bons mots. Il s'est fait beaucoup d'ennemis. Et plus encore en restant fidèle au Prince. À la Cour, on n'aime guère les affidés de Condé.
    — On dit que Mazarin n'a pas été mécontent que le Prince échoue à Lérida.
    — Mazarin a peur de Louis de Bourbon, et il a raison puisque Condé le hait. Pour rien au monde, le cardinal ne souhaiterait un nouveau Rocroy, seulement il craint tout autant un nouveau Corbie 46 . Alors, il est chiche des moyens du Prince afin qu'il ne perde pas, tout en n'obtenant aucune éclatante victoire.
    — Monseigneur le cardinal compte sur les négociations de Munster…
    — Oui, le traité va enfin être signé. La paix est vraiment proche, sauf avec l'Espagne qui refuse toujours. Ce sera le triomphe de Son Éminence…
    — … Si les Parisiens qui grondent contre les édits de M. d'Émery ne sortent pas dans les rues avant, ajouta Louis, soucieux.
    *
    Ils furent interrompus par Marie de Rabutin qui s'approchait. Elle était avec un homme à la belle prestance et au regard perpétuellement ironique.
    — Monsieur Fronsac, laissez-moi vous présenter mon cousin Roger de Rabutin, comte de Bussy et maître de camp des chevau-légers de Mgr de Condé.
    Ils échangèrent quelques politesses jusqu'à ce que Marie s'éloigne.
    — Monsieur le marquis, pourrais-je m'entretenir un instant avec vous ? demanda alors Bussy.
    Louis lui proposa qu'ils se rendent dans la première antichambre pour s'isoler. Ils y trouvèrent le marquis de Montausier 47 en train de se disputer avec un inconnu, chose qu'il appréciait par-dessus tout.
    — Ma cousine ne m'a dit que du bien de vous, monsieur, commença Bussy, après que le marquis se fut éloigné avec son fâcheux.
    — Elle est trop aimable.
    — Elle m'a fait part de votre talent à démêler les énigmes. J'en aurais une à vous proposer, mais je souhaiterais que notre conversation reste confidentielle.
    — Mme de Sévigné a dû vous prévenir que j'étais notaire, avant d'être marquis. Tout ce que l'on me confie reste enfoui chez moi, aussi profond que le secret de la confession.
    — Je vous crois, monsieur. Laissez-moi d'abord vous dire qui je suis…
    Bussy raconta sa jeunesse – Louis apprit ainsi qu'il avait été au collège de Clermont, comme lui et Gaston de Tilly – puis sa vie de soldat. Il en vint ensuite à son oncle, le grand prieur, à la maison qu'il lui avait offerte, et enfin à la découverte du coffret et du parchemin.
    — … D'après les pièces d'or qui se trouvaient dans le coffret, ce parchemin incompréhensible, certainement codé, date de Philippe le Bel. Déchiffré, je suis persuadé qu'il peut conduire à la découverte du trésor des templiers.
    — Peste ! Le trésor disparu après l'arrestation de Jacques de Molay ? sourit Louis, incrédule.
    — Oui. Vous voyez, je vous fais confiance… comme me l'a conseillé ma cousine. Je suis incapable de comprendre ce texte, mais vous avez, m'a-t-elle dit, un talent à résoudre les énigmes.
    Louis ne répondit pas tout de suite. Le comte de Bussy paraissait bien sûr de lui, mais d'un autre côté, ce trésor avait déjà été tellement recherché sans succès…
    Observant son silence, Bussy se méprit sur son hésitation et proposa :
    — Ma cousine m'avait dit que vous étiez notaire. Nous avons parlé de vous tout à l'heure. Elle m'a dit aussi que