Le secret d'Eleusis
voyez ? dit Mikhaïl en se tournant vers Zaal. Voilà comment la torture fonctionne.
III
Gaëlle avait déjà essayé de déchiffrer le code de Petitier en passant par le français, l’anglais, l’allemand et le grec, moderne et classique, mais peut-être devait-elle essayer d’autres langues. Petitier était très certainement un linguiste accompli ; tous les archéologues l’étaient, non seulement parce qu’ils travaillaient à partir de langues anciennes, mais parce que toute la littérature archéologique était rédigée en anglais, en allemand et en français.
Quelles autres langues Petitier pouvait-il connaître ? Gaëlle observa ses étagères. Il avait quelques ouvrages en italien et un autre en espagnol. Elle remarqua que beaucoup de ces livres avaient encore une jaquette en excellent état. Du reste, plusieurs d’entre eux avaient été publiés récemment. Les ouvrages universitaires de ce genre étaient plutôt chers. Et à en juger par les panneaux solaires dont le toit était équipé et l’approvisionnement du cellier, si Petitier avait eu l’intention de révéler ses découvertes au monde entier, ce n’était pas pour l’argent. Gaëlle retourna à sa chaise, mais son esprit était embrumé par la fatigue et elle savait qu’elle ne ferait aucun progrès dans ces conditions. Elle serra et ouvrit les poings quinze fois de suite, mais cette vieille astuce d’étudiant n’avait apparemment plus aucun effet sur elle. Elle décida de sortir prendre l’air et de se dégourdir les jambes.
Le berger allemand faisait un somme. C’était déjà ça. Elle fit le tour de la maison et se dirigea vers un enclos, au milieu d’une clairière, sans doute destiné au chien lorsqu’il ne montait pas la garde devant la porte. C’était un espace de deux mètres carrés, délimité par des fils barbelés, laid, inconfortable, où il n’y avait pas d’ombre et dont le sol était sale, négligé depuis des mois.
Gaëlle continua à contourner la maison. Derrière, elle découvrit une orangeraie, au bout de laquelle se trouvaient un poulailler et un clapier. Lorsqu’elle s’approcha, les poules, effrayées, se mirent à glousser en essayant de se cacher les unes derrière les autres. De vieilles gouttières, posées sur des briques, faisaient office de mangeoires, mais elles étaient vides. Gaëlle était de plus en plus en colère contre Petitier. Plus loin, elle vit la remise dont Iain lui avait parlé. Elle ouvrit la porte dans un grincement tourmenté. Un balai à manche long, une bêche, une fourche et d’autres outils de jardin étaient adossés contre le mur de gauche. Un sac de grains pour les poules était posé sur la droite. Gaëlle plongea la main dans le sac et jeta une poignée de grains aux poules à travers le grillage. Puis elle prit une bassine d’eau dans la remise, entra dans le poulailler et la renversa dans l’abreuvoir. Avant de sortir, elle ramassa onze œufs.
Les serres se trouvaient juste à côté. La porte en bois de la première racla le sol comme si elle n’avait pas été ouverte depuis des semaines. Le polyéthylène était sale et il faisait sombre à l’intérieur. Il y avait une odeur viciée de végétation pourrie. De part et d’autre de l’allée centrale, couraient de longues bandes de terre riche, que surplombaient des gouttières en plastique percées de minuscules trous pour un arrosage en pluie. Gaëlle avança un peu dans l’allée et examina les plantations, qui avaient souffert d’un manque cruel de soins. Il y avait des tomates, des pommes de terre, des aubergines, du maïs, des brocolis, des grenades, des poivrons, des concombres, bien plus qu’il n’en fallait pour nourrir Petitier et sa ménagerie. Sans doute vendait-il l’excédent de sa production à Agios Georgios ou à Anapoli en échange d’autres denrées. Gaëlle prit ce dont Iain et elle auraient besoin et s’empressa d’aller respirer l’air frais du dehors.
La porte de la seconde serre était bloquée par un enchevêtrement impénétrable de mauvaises herbes. Gaëlle la poussa de toutes ses forces pour entrer. Là, l’intérieur était étonnamment bien entretenu. Elle remonta l’allée avec une stupéfaction grandissante. Les plates-bandes étaient couvertes de crocus, de pavots, de marijuana et autres plantes exotiques. Et tout au bout, se cachait une forêt miniature de champignons hallucinogènes à chapeau rouge et blanc, des amanites tue-mouches gorgées de
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