Le secret d'Eleusis
à pousser des gémissements qui finirent par déconcentrer Gaëlle dans sa tentative de déchiffrer le code de Petitier. La jeune femme sortit et l’observa de loin, ne sachant que faire. Les deux laisses avaient du mou et il pouvait bouger un peu. Il se mit à tourner sur lui-même et elle craignit qu’il ne s’étouffe, mais il s’arrêta à temps et tourna dans l’autre sens. Une mouche vint bourdonner à l’oreille de Gaëlle, qui la chassa d’un geste de la main. Le mouvement attira l’attention du chien. Celui-ci se remit aussitôt à aboyer en tirant sur la corde dans l’espoir d’atteindre l’intruse.
Gaëlle résista à l’envie de rentrer à l’intérieur, afin qu’il ne croie pas qu’il avait remporté une victoire. Elle fit quelques pas dehors, dans la fraîcheur agréable du matin. La lumière du soleil se reflétait sur deux bols en acier, posés à proximité de la porte, qui devaient habituellement contenir de l’eau et de la nourriture pour le chien. Ils étaient vides, à l’exception de quelques restes secs. Juste à côté, gisait un fémur de chèvre ou de mouton, rogné à l’extrême. Gaëlle éprouva de la colère envers Petitier, qui, de fait, lui laissait la responsabilité de son foutu chien. Mais il fallait bien qu’elle l’assume. À ce moment-là, elle remarqua à quel point le berger allemand était maigre. Il avait les côtes saillantes, le poil clairsemé et constellé de plaies et de croûtes. Il avait dû se gratter contre les murs en pierre. En outre, il semblait ne guère s’appuyer sur sa patte arrière droite. Et bien qu’il continue à lui montrer les crocs, elle eut de la peine pour lui.
Hier soir, Iain et elle n’avaient pas fini leurs conchiglie . Elle alla chercher les restes sur le toit et les versa dans un des bols en ajoutant un peu d’eau pour les rafraîchir. Elle agrémenta le tout de quelques lamelles de jambon qu’elle avait découpées au cellier. Puis elle remplit le second bol d’eau et s’approcha avec ce repas improvisé. Le chien, dans tous ses états, se jeta vers elle avec une telle violence qu’elle ne put s’empêcher de sursauter en se renversant de l’eau sur les jambes.
— Stupide animal ! cria-t-elle. J’essaie juste de te donner à manger !
Mais le berger allemand ne se calma pas. Elle haussa les épaules et remit les bols à leur place. Les aboiements cessèrent aussitôt au profit d’un cri plaintif. Gaëlle poussa un soupir d’exaspération et tenta de nouveau de s’approcher. Cette fois, elle ignora les aboiements et posa les bols aussi loin qu’elle en eut le courage. Puis elle alla chercher le Mauser et, le tenant par le canon, elle poussa les récipients suffisamment près du chien pour qu’il puisse les atteindre. Celui-ci ne les regarda même pas. Il continuait d’aboyer pour défendre son territoire. Gaëlle décida donc de rentrer. Elle rangea le Mauser et s’efforça de se concentrer de nouveau sur son travail.
Elle soupçonnait Petitier d’avoir élaboré un simple code de substitution. Il avait sans doute fait en sorte de pouvoir consulter ses documents sans procéder à un déchiffrement fastidieux. Les personnes qui inventaient leur propre code le connaissaient si bien qu’elles le lisaient aussi facilement qu’un texte non codé. De toute façon, aucun code ne pouvait résister aux techniques de déchiffrement moderne. Par conséquent, Petitier n’avait sans doute cherché qu’à décourager les visiteurs importuns – et un code de substitution était amplement suffisant.
Le mode de déchiffrement le plus simple consistait à trouver des séquences de symboles répétées, qui correspondaient au même mot. Gaëlle ne tarda pas à en repérer plusieurs. Elle émit plusieurs hypothèses concernant ces mots et en substitua les lettres aux symboles utilisés dans le texte. Mais en français, en anglais, comme en grec, elle n’obtint que du charabia. Elle changea de méthode et dressa la liste de tous les symboles dans l’espoir de découvrir dans quel alphabet le texte non codé était rédigé. L’alphabet grec comportait vingt-quatre caractères, par exemple, tandis que l’alphabet français en comptait vingt-six et l’alphabet arabe, vingt-huit. Mais elle arriva rapidement à quarante-deux symboles différents, ce qui laissait supposer que le code se composait non seulement de lettres mais aussi de chiffres et de signes mathématiques ou grammaticaux. Elle tenta une
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