Le secret d'Eleusis
attendait, visa plus bas. La masse lui effleura la tempe avant de s’écraser comme un boulet de démolition contre le mur de pierre. Un espace s’ouvrit juste au-dessous du plafond. Knox, étourdi, était à terre. Mikhaïl brandit la masse pour le tuer, mais Gaëlle saisit le Mauser et lui donna un coup de crosse au visage. Il trébucha sur les pierres éparpillées au pied du mur et tomba en arrière. Sans perdre une seconde, la jeune femme attrapa Knox par la main et l’entraîna au sommet du tas de décombres affaissé. Ils poussèrent les pierres pour se frayer un chemin et descendirent de l’autre côté en toussant et en clignant des yeux dans la poussière.
Ils se trouvaient en haut d’un large escalier, qui descendait vers une immense galerie, aussi vaste et sombre qu’une cathédrale en pleine nuit. Une longue fissure courait le long du plafond voûté, dont les bords étaient couverts de végétation. Les murs étaient noirs de crasse et de guano. Des chauves-souris, dérangées par le vacarme, quittèrent leur perchoir et s’envolèrent si haut qu’elles devinrent minuscules comme un grain de poussière. Une faible lumière provenant de la fissure faisait miroiter des cascades de quartz sur un des murs. Les ombres projetées donnaient aux nombreuses stalactites et stalagmites l’apparence des tuyaux d’un orgue d’église.
Gaëlle entendit Mikhaïl gravir le tas de décombres. Knox semblait toujours désorienté. Elle l’aida à descendre les marches. Un autre escalier menait à une estrade circulaire sur laquelle se dressait un trône en marbre, baigné d’une lumière pâle. Deux anneaux en or surmontés d’une pierre grossièrement taillée reposaient dans la poussière épaisse du trône. Sur le sol, juste à côté, gisaient une couronne en or flanquée de deux cornes dorées, ainsi qu’une coupe en or. L’espace d’une seconde, une image très nette vint à l’esprit de Gaëlle, celle d’un homme assis sur ce trône, où il était peut-être mort, des millénaires auparavant.
Mais elle discerna également autre chose sur le dossier du trône : une parure qui ressemblait à une peau de mouton mais était tissée dans le plus fin des matériaux. Celui-ci étincelait sous le voile de poussière, comme seul l’or pouvait le faire. Gaëlle s’approcha, le souffle coupé.
— Incroyable..., murmura Knox, encore groggy.
— La Toison d’or, souffla Gaëlle. Petitier l’avait bien trouvée.
Des bruits de pas résonnèrent. Mikhaïl n’était pas loin. Knox et Gaëlle suivirent une voie étroite bordée de haches anciennes et parvinrent à une plate-forme plus vaste. Gaëlle, dont les yeux commençaient à s’habituer à l’obscurité, constata que celle-ci avait une forme de rosette. Au centre, se dressait de façon presque obscène une gigantesque stalagmite, au pied de laquelle s’étendait un bassin peu profond sans doute destiné aux libations et aux sacrifices, comme si elle avait fait l’objet d’un culte. Lorsqu’elle la vit de plus près, Gaëlle comprit de quelle divinité il s’agissait, car elle ressemblait à un immense taureau dressé sur ses pattes arrière. Ce n’était pas son imagination qui lui jouait des tours. Un taureau avait bien été sculpté dans la concrétion. Il avait des défenses d’éléphant au-dessus de la tête, les épaules arrondies et le torse exagérément bombé pour donner l’impression qu’il portait un manteau. C’était le Minotaure, le gardien immortel de ce labyrinthe naturel. Seule la base de la concrétion n’avait pas été sculptée, peut-être en signe de révérence, ou simplement parce que, la stalagmite étant un peu penchée, il avait été préférable de ne pas l’affaiblir.
Et ce n’était pas tout. Sur la plate-forme, de l’autre côté de la sculpture monumentale, une quantité extraordinaire d’artefacts avait été rassemblée. La plupart, camouflés par une épaisse couche de poussière et de débris, étaient inidentifiables. Cependant, certains avaient été abrités par les reliefs de l’immense salle. Apparemment, ils avaient jadis été disposés par groupes, séparés par des couloirs. Mais, avec le temps, beaucoup d’entre eux étaient tombés et d’autres s’étaient désintégrés. Des coupes remplies de pierres précieuses et semi-précieuses s’étaient renversées sur le sol. Une statue de déesse en marbre rose, les bras levés en signe de bénédiction, gisait sur les joyaux.
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