Le secret d'Eleusis
éviter le gouffre. Il se releva, retira les gravillons qu’il avait dans les paumes et sauta sur la marche suivante. Malheureusement, cette fois, il se tordit la cheville et tomba du mauvais côté, ce qui l’obligea à se lancer dans un troisième saut, puis un quatrième. Il heurtait les marches à une telle vitesse qu’il aurait été suicidaire d’essayer de s’arrêter. Alors il se laissa emporter par la gravité en écartant les bras pour ne pas perdre totalement l’équilibre. Il provoqua une avalanche de pierres autour de lui et finit par s’effondrer au pied des marches pour dévaler le reste de la pente comme une boule de bowling jusqu’aux ajoncs. Les épines réduisirent sa chemise en lambeaux, mais les arbustes le ralentirent dans sa chute et l’arrêtèrent.
Il resta allongé un moment, le visage enfoui les branchages, le temps de reprendre son souffle et de vérifier qu’il n’était pas blessé.
Tout son corps lui faisait mal mais, apparemment, il n’avait rien de cassé. Il se releva avec précaution et se fraya un chemin parmi les ajoncs jusqu’à la clairière. Il y avait un trou dans la falaise et il repéra de la lumière à l’intérieur ainsi que le ronronnement d’un groupe électrogène. Il rassembla ses forces, puis se mit à quatre pattes et pénétra dans la grotte.
Chapitre 43
I
Les lampes étaient reliées au câble principal par un fil électrique blanc. Les raccords étaient protégés de l’humidité par un turban de ruban adhésif. Dans l’obscurité, les puits de lumière projetaient des ombres inquiétantes sur les murs. Gaëlle se rappela brusquement un traumatisme d’enfance : lors d’une fête foraine, elle avait perdu la main de sa mère dans la maison hantée. Pendant des mois, elle avait eu peur du noir.
Elle atteignit une autre galerie, dans laquelle étincelaient des veines de quartz et de calcaire. Elle leva instinctivement la tête pour évaluer la hauteur de plafond, mais le sol était trop glissant pour qu’on le quitte des yeux. Elle dérapa de nouveau et sa cheville blessée heurta la roche. Secouée par d’horribles élancements, elle dut se tenir à la paroi pour ne pas tomber.
Sur le mur, elle discerna des mots griffonnés à la craie, en français : « homme à la tête emplumée » et « peau d’animal ». Ils faisaient référence à des symboles, issus du disque de Phaistos, que Petitier avait découverts et marqués. Il semblait donc de plus en plus évident que le disque était une carte conçue pour trouver ce site et se repérer à l’intérieur. Mais quelle était la destination finale ? Une saillie rocheuse obligea Gaëlle à marcher à quatre pattes. Elle passa à travers des toiles d’araignée ; des mouches et de la poussière restèrent accrochées à ses cheveux.
Elle aperçut une lampe dont le faisceau était inutilement tourné vers le mur. Elle l’orienta dans l’autre sens et découvrit une grande salle au plafond strié. Plusieurs trous avaient été creusés dans le sol. Des caisses d’artefacts étaient alignées contre les murs. Elles contenaient notamment des offrandes votives et des fragments d’ossements. Les grottes avaient souvent été utilisées comme cimetières par les Anciens et c’était une des raisons pour lesquelles beaucoup d’entre elles étaient devenues des sites ancestraux sacrés. Lorsque Gaëlle remit la lampe dans sa position initiale, un insecte albinos fila vers les ténèbres, ce qui signifiait que la grotte abritait sans doute un écosystème autonome.
Gaëlle suivit le câble orange jusqu’à un ancien tas de décombres, dans lequel Petitier avait percé un tunnel de plusieurs mètres de long. Elle espérait que celui-ci allait déboucher dans un endroit facile à défendre, comme l’entrée de la grotte, mais elle n’en voyait pas le bout. Là encore, Petitier avait laissé de nombreux indices de ses fouilles. Gaëlle ne put s’empêcher de remarquer à quel point il avait été méticuleux. Il n’avait pas détérioré le site avec le seul but de le piller, comme elle l’avait presque craint à un moment donné. Au contraire, il avait pris beaucoup de précautions.
Soudain, elle entendit Mikhaïl derrière elle. Elle se retourna, la gorge serrée, mais il n’y avait personne. L’acoustique de la grotte lui jouait des tours. Gaëlle arriva devant deux galeries, dont chacune était surmontée de symboles gravés dans la pierre et entourés à la craie par
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