Le secret d'Eleusis
leva et s’approcha d’Édouard avec un air menaçant.
— Je vous dis que la Toison d’or existe, insista-t-il. Est-ce que vous me traitez de menteur ?
— Non, répondit Édouard en baissant les yeux. Bien sûr que non. Je voulais seulement...
— Seulement quoi ?
Mikhaïl posa la pointe de l’index entre les deux yeux d’Édouard et exerça une légère pression. Édouard s’efforça de résister, mais il y avait quelque chose d’inexorable chez Mikhaïl. Il se sentit basculer en arrière et s’effondra dans le canapé en renversant une partie de sa vodka par terre.
— Vous, les intellectuels ! vociféra Mikhaïl en se penchant au-dessus de lui. Vous êtes tous les mêmes ! Vous tournez toujours tout en ridicule. Mais laissez-moi vous dire une chose : j’ai rencontré un historien ce matin même, un universitaire ; je tiens à le préciser, car je sais que ce genre de détail compte pour les hommes de votre espèce. Figurez-vous qu’il a vu la Toison d’or de ses propres yeux. Il s’est rendu en Crète la semaine dernière pour vérifier qu’il s’agissait bien d’elle. Il l’a tenue entre ses mains, il en a senti la texture. C’était bien elle. Il a juré sur sa vie que c’était bien elle.
— Il a dit ça ? murmura Édouard .
— Et il n’avait aucune raison de mentir, précisa Mikhaïl en le fixant d’un air triomphant de ses pupilles noires. Désormais, la Toison d’or est à Athènes. Parce que je suis à Athènes et que mon destin est de la rapporter en Géorgie. Certaines choses sont écrites. Et ça, c’est écrit. Vous comprenez ?
— Oui, balbutia Édouard .
— Demain matin, nous irons la voir. Et nous l’achèterons. Ensuite, nous la rapporterons au pays. D’autres questions ?
— Non.
— Bien.
Mikhaïl se redressa et laissa Édouard affalé au fond du canapé avec un air penaud.
— Alors quel est le plan, patron ? s’enquit Boris en servant une autre tournée de vodka.
— L’homme qui a la Toison d’or a l’intention de la montrer à un congrès demain après-midi, indiqua Mikhaïl. Nous allons donc lui rendre visite en début de matinée et le convaincre de nous la vendre.
— Il nous attend, alors ?
— Pas exactement. Mais je sais à quel hôtel il est descendu.
— Et s’il ne veut pas vendre ?
Mikhaïl éclata de rire.
— Il voudra quand j’en aurai fini avec lui, croyez-moi ! Il nous suppliera de l’acheter.
— Alors pourquoi payer pour l’avoir ? grommela Zaal. Pourquoi ne pas simplement la prendre ?
— Parce qu’il ne s’agit pas seulement de la Toison d’or, mais des élections, de ce que mon grand-père est prêt à faire pour la Géorgie. Il va acheter la Toison d’or à n’importe quel prix, car c’est un grand patriote !
Édouard se ressaisit. Il se leva, remplit son verre de vodka et le vida d’un trait pour se donner du courage.
— Cet universitaire, commença-t-il, celui qui s’est rendu en Crète pour voir la Toison d’or, je vais devoir lui parler, moi aussi, si vous voulez que je procède à une authentification.
— Vraiment, et comment ? demanda Mikhaïl.
— Donnez-moi son adresse. J’irai lui rendre visite.
— Vous serez bien avancé ! À moins que vous n’emportiez une planche de Ouija, bien sûr.
— Oh ! non ! murmura Édouard.
Mikhaïl rit de nouveau.
— Ne vous inquiétez pas, je sais ce que je fais, assura-t-il.
Il se tourna vers Boris.
— Je lui ai même fait rédiger son propre mot d’adieu, lui confia-t-il, tel un médecin discutant d’un cas intrigant avec un collègue. C’est fou ce que les gens sont prêts à faire !
— Et le type qui a la Toison d’or, intervint Zaal, celui que nous allons voir demain, qui est-ce ?
— Il s’appelle Roland Petitier, annonça Mikhaïl.
Il jeta un coup d’œil méprisant à Édouard.
— Un autre universitaire, ajouta-t-il.
La télévision était toujours allumée sans le son sur la chaîne d’information. Un corps recouvert d’un drap blanc était brancardé à bord d’une ambulance, tandis que les gros titres défilaient en haut de l’écran plasma. Édouard attira l’attention de Mikhaïl avec une jubilation désinvolte, presque puérile.
— Vous ne parlez pas de lui, je suppose ? lança-t-il.
III
Lorsque Knox sortit de l’unité des soins intensifs, les lampes du hall de l’hôpital se mirent à clignoter comme des éclairs. Assise sur un banc en bois, Gaëlle était en
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