Le secret d'Eleusis
souriant.
IV
Édouard s’était réveillé à l’aube mais, recroquevillé dans son lit, dans la lumière grandissante, il ne s’était toujours pas levé. Il avait connu toutes les angoisses d’un père, mais rien de comparable à ce qu’il vivait aujourd’hui. Sa femme et ses enfants avaient été pris en otages et il n’avait aucun moyen de savoir s’ils allaient bien. Les canalisations se mirent à gargouiller ; des portes claquèrent. Il ne cessait de se dire qu’il devait se lever, mais ne parvenait pas à bouger. Des pas se rapprochèrent de sa porte et quelqu’un frappa. Sans prendre la peine d’attendre une réponse, Boris entra et regarda Édouard avec dédain.
— Sandro Nergadze vous demande, annonça-t-il en lui tendant son téléphone portable.
— Moi ?
— Oui, vous.
— Monsieur Nergadze, que se passe-t-il ? demanda Édouard en se redressant anxieusement dans son lit. Est-il arrivé quelque chose à mes enfants ?
— Non, répondit Sandro.
— Vous me le jurez ?
— Bien sûr, votre femme et vos enfants vont bien. Ils viennent de partir faire du cheval avec mon père.
— Alors qu’y a-t-il ?
— La Toison d’or, commença Sandro, je veux que vous me disiez à quoi elle ressemble.
— Je ne vous suis pas. Nous saurons à quoi elle ressemble lorsque nous l’aurons vue, dans la matinée.
— Je ne peux plus vous attendre. J’ai promis une Toison d’or à mon père avant la fin du week-end et je vais lui en fournir une, quoi qu’il arrive de votre côté.
— Je ne comprends pas.
— C’est très simple. Je viens de commander plusieurs kilos d’or et j’ai fait venir un... artisan. Ne vous inquiétez pas. Il est digne de confiance. Il a souvent travaillé pour ma famille. Il affirme qu’il peut réaliser une réplique convaincante si je lui indique toutes les caractéristiques de l’objet d’origine. Alors, cette Toison d’or, était-elle exclusivement en or ou était-elle également constituée d’autres matériaux ? Dans quelles proportions ? Quel était son poids ? Sa forme ? Sa texture ? De quelles techniques disposait-on à l’époque ? Avait-on des moules, par exemple, du fil d’or ? Un homme pouvait-il porter la Toison d’or ? Bref, à quoi ressemblait-elle ?
— Personne ne le sait, déclara Édouard. Il en existe plusieurs représentations, sur des cratères et autres œuvres d’art anciennes, mais elles sont imaginaires. Du reste, elles ressemblent à ce à quoi on pourrait s’attendre, c’est-à-dire à une peau de mouton recouverte d’or. Et c’était peut-être de ça qu’il s’agissait. Les Géorgiens étiraient les peaux de mouton dans des cadres en bois et les plongeaient dans les rivières afin que la poussière d’or s’accroche à la laine. Ensuite, ils les suspendaient à des branches pour les faire sécher. C’est ainsi que la Toison d’or a été décrite.
— Et à votre avis, c’est ce que Petitier a trouvé ? Une peau de mouton couverte de poussière d’or ?
— Non, il est tout à fait possible que la légende provienne de cette pratique géorgienne, mais Petitier ne peut pas avoir retrouvé une peau de mouton d’origine organique. Celle-ci se serait désintégrée il y a des milliers d’années. Sauf si elle s’était trouvée dans un environnement extrêmement propice à sa conservation, je suppose. Beaucoup plus propice que la Grèce. L’Égypte ou un autre environnement désertique aurait peut-être...
— Je n’ai pas besoin d’une conférence sur le sujet ! lança Sandro sèchement.
— Ce que je veux dire, c’est qu’une véritable peau de mouton recouverte d’or ne serait plus qu’un tas de poussière à l’heure qu’il est. Un tas de poussière précieux, certes, mais un tas de poussière tout de même.
— Alors si la Toison d’or existe encore, à quoi pourrait-elle ressembler ?
Édouard hésita. Après avoir été sommé d’authentifier une prétendue Toison d’or, il devait désormais fournir des conseils pour la fabrication d’un faux.
— Cela n’a aucune importance, improvisa-t-il. De toute façon, vous ne tromperez personne. Il existe des méthodes d’authentification sophistiquées. On peut analyser la signature chimique d’un métal, par exemple, et déterminer avec précision quand et où il a été extrait.
Il prenait des risques en disant cela car, si c’était vrai pour le plomb, l’argent et le cuivre, l’or ne pouvait pas être
Weitere Kostenlose Bücher