Le secret d'Eleusis
pris d’assaut pour le week-end de Pâques. Gaëlle devait partir très tôt dans la matinée ou différer son départ jusqu’au samedi après-midi. Malgré ses réticences, elle avait pris une réservation pour le premier vol.
Il était un peu plus de cinq heures lorsqu’ils partirent pour l’aéroport. Les rues étaient vides ; il n’y avait quasiment pas de circulation. Au début, Gaëlle essaya vaillamment de faire la conversation, mais il était si évident qu’elle se forçait que Knox alluma la radio pour lui épargner cette peine. Elle posa la tête contre la vitre et s’assoupit, jusqu’à ce que la voiture passe sur un nid-de-poule. Elle se redressa brusquement en se tenant au siège, les yeux englués de fatigue. Knox ralentit et s’efforça d’adoucir sa conduite. Après avoir garé la voiture au parking des départs, il la réveilla doucement.
— Tu n’as pas besoin de venir avec moi, dit-elle un peu sèchement, lorsqu’il prit son sac sur son épaule pour l’accompagner jusqu’au terminal.
— Ne m’en veux pas, implora-t-il.
— Je ne t’en veux pas.
— Si, tu m’en veux.
Elle serra les dents pour éviter de dire quelque chose qu’elle risquerait de regretter par la suite.
— Je n’ai aucune envie de faire ce foutu de voyage ! lança-t-elle sans pouvoir s’empêcher de livrer le fond de sa pensée. Je ne comprends vraiment pas pourquoi tu tiens absolument à m’envoyer en Crète.
— Je croyais que tu étais d’accord. Il faut bien qu’on aide Augustin.
— Mais ce n’est pas seulement pour Augustin. C’est à cause de ce con qui était dans l’ascenseur hier soir. Tu as échafaudé ce maudit plan pour être sûr qu’il ne m’arrive rien.
Knox se sentit ridicule.
— Je ne sais pas ce que je ferais s’il t’arrivait quelque chose, avoua-t-il à voix basse.
— Moi non plus, mais je ne te mentirais pas pour autant. Je n’essaierais pas de te manipuler ni de t’obliger à faire ce que tu n’as pas envie de faire. Je ne douterais pas de ta capacité à faire avancer les choses au point de te demander de partir au moment où j’aurais le plus besoin de toi.
Elle poussa un long soupir.
— Enfin, nous en reparlerons à mon retour, décréta-t-elle. Je ferai de mon mieux. Je trouverai peut-être quelque chose, qui sait ?
Elle hocha la tête comme pour s’en convaincre.
— Qui sait ? répéta-t-elle.
Les mains cramponnées au volant, Knox retourna au centre-ville. Il passait de la contrariété à l’abattement et se sentait à la fois seul et stupide. Le soleil, qui se levait derrière lui, projetait des ombres sur la route. La circulation devint de plus en plus dense. Bien qu’il ne fût pas encore contraint de ralentir, il comprit qu’il n’aurait pas le temps de rendre visite à Augustin s’il voulait être à Éleusis à huit heures. D’un certain côté, il en fut presque soulagé, car il n’avait pas le courage d’affronter Claire.
Il remonta l’ancienne voie sacrée en direction de l’ouest. Il aurait dû être submergé par l’Histoire, car c’était le chemin qu’avaient emprunté pendant des centaines d’années les officiants d’Éleusis. Désormais, cette voie n’avait plus rien de sacré. Ce n’était plus qu’une suite de boutiques miteuses et d’immeubles d’habitation, entre lesquels se nichaient quelques rares usines d’industrie légère. Knox profita du trajet pour repasser le texte d’Augustin à voix basse et se familiariser avec le rythme des phrases. Tout à coup, les feux arrière du camion vert qui se trouvait devant lui s’allumèrent et le conducteur s’arrêta dans un crissement de pneus. Knox freina brutalement à son tour. Il passa la tête par la vitre et constata qu’un bouchon s’était déjà formé. Tous les véhicules restèrent immobilisés pendant une minute, puis deux. Les conducteurs, en retard au travail ou épuisés par un poste de nuit, se mirent à klaxonner. Knox patienta en passant quelques appels. Il laissa un message à Charissa, bien que sa théorie ne lui paraisse plus aussi convaincante. Puis il rappela Iain Parkes car, la veille, il était tombé sur sa messagerie. Le portable de son ami étant toujours éteint, il laissa un autre message en prenant soin d’indiquer le numéro de vol et l’heure d’arrivée de Gaëlle.
Sur la droite, il voyait la célèbre plaine de Raria, où la jeune déesse Perséphone était jadis allée cueillir des crocus. C’était
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