Le secret d'Eleusis
insista-t-elle.
Iain se laissa attendrir par son ton implorant et leva le pied tout en s’éloignant du bord. Ils étaient déjà à très haute altitude. Les maisons et les bateaux d’Hora Sfakion n’étaient plus que des points multicolores sur le littoral déchiqueté. La mer, d’une couleur éblouissante, était bleue comme un ara hyacinthe. La route se transforma en un simple chemin caillouteux. Un tombereau prit un virage à une vitesse ahurissante et força Iain à se déporter plus que de raison. Gaëlle ne vit plus que le précipice au-dessous d’elle. Une poussière chaude et étouffante s’engouffra par les fenêtres ouvertes de la Mustang et les fit tousser tous les deux. Mais ils continuèrent à monter, encore et encore. Gaëlle, incapable d’en supporter davantage, finit par fermer les yeux, adossée à son siège.
— Ça y est ! annonça Iain au bout de quelques minutes. C’est fini.
Gaëlle rouvrit les yeux. Elle était entourée de collines, qui rendaient toute chute impossible. Si elle avait toujours la nausée, sa sensation de vertige se dissipa aussitôt. Ils arrivèrent dans un petit village, bâti autour d’une place tranquille.
— Nous sommes à Anapoli, dit Iain, avant de se garer devant une épicerie. Je vais essayer d’en savoir plus sur Petitier. Restez là. Les gens se confieraient sans doute moins en présence d’une étrangère.
— Vous aussi, vous êtes un étranger, fit remarquer Gaëlle.
— J’habite ici depuis dix ans et je parle grec. Cela fait une grosse différence, croyez-moi.
Encore perturbée par le trajet, Gaëlle n’insista pas. Elle se regarda dans le rétroviseur, essuya son visage couvert de poussière, se recoiffa rapidement et descendit de voiture. Anapoli faisait partie de ces jolis petits villages où les mêmes familles cultivaient les mêmes champs depuis des centaines d’années, où les mêmes noms fleurissaient encore et toujours dans les cimetières. Il y avait un café près de l’épicerie ; la porte vitrée était grande ouverte. Gaëlle s’approcha. Un canari pépiait dans sa cage. Des peaux de chèvre étaient tendues sur les murs. Un aigle empaillé semblait sur le point de prendre son envol. Des bûches fendues étaient empilées à côté d’un poêle ventru, près duquel quatre hommes jouaient paisiblement aux cartes. Trois des joueurs regardèrent Gaëlle avec une indifférence courtoise. Le quatrième la salua en levant son verre. Elle lui sourit et retourna à la voiture.
Cinq minutes plus tard, Iain ressortit de l’épicerie avec deux sacs en plastique débordants de provisions et d’eau.
— Les renseignements ne sont pas gratuits à ce que je vois, observa Gaëlle, tandis qu’il rangeait les sacs dans le coffre de la Mustang.
— Ils valent chaque centime que j’ai dû débourser, assura-t-il. La femme a tout de suite reconnu Petitier sur la photo. Il venait vendre ses produits une fois par mois.
— Mais vous a-t-elle dit où il habitait ?
— Oui, elle me l’a dit !
II
En d’autres circonstances, Édouard aurait sans doute apprécié de boire un café devant le site d’Éleusis. Il faisait beau et de nombreuses familles se promenaient pour profiter du soleil printanier. Mais il était hanté par la conversation qu’il avait eue avec sa femme et se demandait inlassablement ce qu’il allait pouvoir faire.
— Hé, patron ! s’exclama Zaal en faisant un signe de tête en direction de la grille du site, qu’un homme était en train de franchir. C’est Knox, non ?
— Oui, c’est lui, confirma Mikhaïl.
Il se leva, puis se ravisa. Il y avait tant de monde, y compris les membres de la sécurité du site, que même lui dut se rendre compte que l’endroit était mal choisi pour un enlèvement. En outre, s’il les repérait, lui et ses hommes, Knox se souviendrait immédiatement de les avoir vus dans l’ascenseur de l’hôtel. Ils attendirent donc à l’intérieur du café qu’il monte dans sa voiture et sorte du parking. Puis ils jetèrent quelques billets sur la table et se précipitèrent vers leurs Mercedes.
III
Knox n’eut pas de difficultés à regagner le centre d’Athènes. Malgré les doutes de Nico quant à la police de la circulation, il n’y avait plus aucune trace du carambolage qui avait eu lieu en début de matinée. Il quitta le littoral, traversa une zone boisée et rocailleuse et arriva au sommet d’une colline.
Nico avait essayé de joindre Antonius, son
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