Le secret d'Eleusis
je...
— S’il te plaît, insista Franklin. Rentre et va te coucher. Tout va bien. Ce monsieur et moi devons simplement avoir une discussion.
Il regarda sa femme franchir la porte et les lumières s’allumer au rez-de-chaussée, puis à l’étage.
— Alors ? s’enquit-il.
— Je viens de faire des recherches sur Internet concernant Roland Petitier, annonça Knox. Ce n’est pas un nom commun. Savez-vous qu’il a publié un article dans une revue lorsqu’il faisait partie de la Mission archéologique française ? Vous ne devinerez jamais qui a coécrit cet article avec lui.
— C’était il y a très longtemps.
— C’est vous, docteur Franklin, vous qui m’avez dit ce matin même que vous n’étiez pas vraiment proche de Petitier, que vous aviez simplement partagé une maison avec lui pendant un certain temps.
— Je vous ai dit la vérité.
— Mais pas toute la vérité. Vous avez coécrit avec Petitier un article intitulé « Les mystères d’Éleusis révélés ». Mais peut-être n’avez-vous pas jugé utile de m’en parler.
Franklin regarda la rue des deux côtés, comme s’il envisageait de s’enfuir, puis ses épaules s’affaissèrent.
— Entrons, proposa-t-il. Je crois que je vais avoir besoin d’un verre.
V
Nadia traversa d’un pas lent la place Psyrri pour retourner à son hôtel. Des gens faisaient la queue devant les discothèques, d’où émergeait une musique étourdissante. Ces soirs-là, l’alcool aidant, elle n’avait rien contre les jeunes impertinents qui lui faisaient des avances. Mais il n’y avait pas de preneurs ce soir ; personne ne la regardait. Elle avait été belle autrefois. Elle avait excité les convoitises, il n’y avait pas si longtemps que ça. Mais ces dernières années n’avaient pas été tendres avec elle.
Elle arriva dans le quartier plus calme et plus ancien de la Plaka. Des hommes d’âge mûr étaient assis sur des chaises en toile autour d’une table. Elle passa devant eux, mais ils ne la regardèrent pas non plus. Alors elle fit demi-tour et poussa une des chaises. Mais elle n’obtint qu’un éclat de rire général.
Elle se tordit la cheville sur les pavés et s’effondra de tout son long. C’était toujours risqué d’associer vodka et talons hauts. Elle se releva et s’épousseta, consciente de devoir être embarrassée sans l’être pour autant. Elle commença à éprouver une douleur à la main gauche. Sa paume était humide et couverte de gravillons, qui lui étaient rentrés dans la peau. Elle regarda avec une curiosité passive les premières gouttes de sang jaillir en lui procurant une sensation aiguë de picotement.
— Excusez-moi, tout va bien ? demanda un homme avec un accent allemand.
Elle se retourna, pleine d’espoir, mais il était déjà accompagné.
— Ça va, répondit-elle.
Elle prit sa chaussure entre ses mains et évalua la solidité du talon. Celui-ci étant un peu chancelant, elle retira sa deuxième chaussure et continua pieds nus, sans vraiment savoir dans quelle direction aller.
Elle avait les pieds de plus en plus froids et mouillés ; les rues étaient de plus en plus étroites et vides. Elle finit par arriver à une place quelle connaissait. Elle tourna à gauche et vit l’enseigne illuminée qui longeait la façade de son hôtel. Il n’y avait pas de Mercedes noire le long du trottoir, juste quelques voitures et une fourgonnette blanche. Elle n’était pas ivre au point de ne pas s’en assurer. Elle s’arrêta pour remettre ses chaussures, qu’elle tenait à la main ; le concierge était pontifiant et elle n’avait pas envie qu’il lui fasse la leçon. En entendant l’écho de ses pas, elle constata à quel point les rues étaient devenues désertes.
La porte de la fourgonnette s’ouvrit. Un homme sortit. Elle comprit aussitôt. Elle tenta de s’enfuir, mais son talon se cassa et elle tomba lourdement sur le trottoir. Elle ouvrit la bouche pour crier. Trop tard ! Une main lui plaqua un mouchoir humide sur le visage. Nadia inspira un produit chimique qui lui brûla les lèvres et sentit toutes ses forces l’abandonner, malgré sa peur. On la porta jusqu’à la fourgonnette et la dernière chose qu’elle vit fut Mikhaïl Nergadze, à genoux à côté d’elle, qui lui souriait comme s’il venait de gagner un pari.
Chapitre 26
I
Franklin conduisit Knox jusqu’à une pièce faiblement éclairée, dont les murs étaient ornés de toiles
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