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Le secret des enfants rouges

Le secret des enfants rouges

Titel: Le secret des enfants rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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imitée de la Constitution anglaise, mais il reste beaucoup à faire car la situation des femmes est loin d’être acceptable. Buvez votre thé, il va refroidir.
    — Quelle érudition ! Ça alors, vous m’épatez ! Une si séduisante jeune fille…
    — Séduisante ! Seriez-vous pareil à la majorité des hommes qui estiment qu’une femme devrait se contenter d’être séduisante ?
    — Non, non, vous vous méprenez. Je constate simplement que vous êtes très cultivée pour une personne qui résiste avec tant d’énergie à ceux qui s’efforcent de l’intéresser à la lecture… Avez-vous conservé des relations avec votre grand-oncle ? Celui qui a donné ce… ce fukorishi à Kenji.
    — Furoshiki ! Tonton Hanunori Watanabe est passé sur l’autre rive à l’âge canonique de quatre-vingt-dix-neuf ans.
    — Désolé. Pourriez-vous me montrer son jumeau ?
    — J’ignorais l’existence d’un oncle jumeau.
    — Vous m’avez parfaitement compris, petite finaude, je faisais allusion au furoshiki.
    — Ah, tout s’éclaire. Vous voulez étudier les motifs de cette étoffe afin d’offrir une robe orientale à Tasha.
    Victor fronça les sourcils, plissa le front.
    — Comment avez-vous deviné ?
    — Inutile ! Vos manières de gros toutou candide ne m’impressionnent nullement. Menteur ! Menteur ! Menteur !
    Elle s’était levée et ponctuait chacune de ses interjections d’une bourrade dans les biceps de son frère. Il se mit à rire, heureux de goûter pour la première fois la complicité agressive de la fratrie.
    — Help ! Assez ! Iris, vous êtes impossible. Vous me prêtez des intentions…
    — Mon cher Victor, impossible n’est pas français. Pourquoi vous défendez-vous ? Vous n’avez pas la conscience tranquille ? Quoi qu’il en soit je vous pardonne, venez.
    Ils pénétrèrent chez Kenji. Tandis qu’Iris déplaçait le matelas de coton et les lattes du sommier, Victor contempla le tableau de Tasha, représentant les toits de Paris à la pointe du jour. Il était reconnaissant à Kenji de l’avoir accroché au-dessus de son lit. Iris lui tendit un paquet.
    — Les papiers relatifs à ma naissance y sont emballés avec des lettres de ma mère… de notre mère.
    Très ému, Victor fixait le furoshiki sans ressentir le besoin de le déplier. Aucun doute, les cigognes blanches sur fond turquoise s’accordaient exactement à celles du foulard qui enserrait le cou de Fortunat de Vigneules. Sans un mot, il rendit le paquet à Iris qui le remit en place.
    — Je vous sais gré de votre… concours.
    — De mon indiscrétion, qui vous a permis d’admirer un tissu semblable à celui qui enveloppait la coupe dérobée à mon père. N’essayez pas de me mener en bateau, brother !
    — De quoi parlez-vous ? demanda-t-il d’un air innocent.
    Iris soupira.
    — Pauvre Tasha ! Elle sera fâchée d’apprendre que vous êtes tenté d’enquêter à nouveau.
    — Vous allez cafarder ? s’écria-t-il, alarmé.
    — Hum… Cela dépend. Je serai muette, à condition…
    — Du chantage ?
    — À condition que vous nous souteniez, Joseph et moi.
    — Cette idylle dure encore ? Voyons, Iris, ce n’est pas sérieux, Joseph est notre commis.
    — Je l’aime. Un commis vaut autant qu’une femme peintre !
    — Mais c’est radicalement différent, nous…
    — Vous vous aimez, nous nous aimons, ce verbe est conjugué, à tous les temps, par tous les individus, en toutes les langues.
    Elle lui ébouriffa les cheveux.
    — Un secret nous unit, toi et moi. Autorise-moi à te tutoyer un instant, l’Anglaise que je suis a du mal à s’habituer au formalisme du « vous » français. Je jure de me taire parce que tu es mon grand frère et que je t’aime, murmura-t-elle.
    Il sentit s’effondrer ses ultimes réticences. Iris était à la fois si frêle et si forte, probablement plus déterminée que lui. Cependant un trait de caractère commun favorisait entre eux une certaine complicité : lorsque les sirènes de l’interdit modulaient leurs chants, ils y répondaient tous deux par une curiosité effrénée qui les poussait à forcer les entrées les mieux barricadées.
    — Je vous soutiendrai, concéda-t-il. D’ailleurs, Joseph fera un libraire de haut niveau.
    — Et un écrivain de talent.
    Il eut une moue ironique et alla rejoindre son commis qui se frottait les mains, heureux d’avoir réussi à vendre les œuvres incomplètes de

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