Le seigneur des Steppes
inspiration, laissa la vapeur chaude
pénétrer ses poumons. Une soudaine bouffée de nostalgie le fit chanceler.
— Mon père m’en envoie un peu chaque année, avec son
tribut. C’est le plus frais que j’aie, mais on l’a malheureusement laissé
perdre de son parfum.
Ho Sa s’assit, but une gorgée.
— Vous êtes trop aimable d’avoir pensé à moi.
Il ne savait pas pourquoi elle l’avait fait venir et n’osait
pas poser la question. Il avait bien conscience qu’ils ne pouvaient pas rester
longtemps seuls ensemble. Aussi naturel fût-il pour deux Xixia de chercher à se
voir, un homme ne pouvait rendre visite à l’épouse d’un khan sans raison. Pendant
les deux années écoulées, ils s’étaient à peine rencontrés une demi-douzaine de
fois.
Avant que Chakahai put répondre, un autre visiteur entra. Yao
Shu pressa ses mains l’une contre l’autre et baissa la tête pour saluer la
maîtresse de la yourte. Avec amusement, Ho Sa vit le moine accepter lui aussi
un bol de vrai thé et en inhaler l’odeur avec délice. Ce fut seulement quand
Yao Shu en eut terminé avec les formules de politesse que le Xixia plissa le
front. S’il était dangereux de rencontrer la femme d’un khan en privé, il l’était
plus encore d’être accusé de comploter. Son inquiétude crût lorsque les deux
jeunes esclaves quittèrent la tente pour les laisser seuls tous les trois. Oubliant
le thé, Ho Sa commença à se lever.
Chakahai lui posa une main sur le bras pour le retenir. Il
se rassit, mal à l’aise, et elle le regarda longuement de ses grands yeux
sombres. Elle était belle, il ne flottait pas autour d’elle une odeur rance de
graisse de mouton. Ho Sa sentit un délicieux frisson le parcourir au contact de
ses doigts frais sur sa peau.
— Je vous ai fait venir, vous êtes mon invité, rappela-t-elle.
Vous m’insulteriez en partant maintenant, non ? Expliquez-moi, je ne
connais pas encore les coutumes de la yourte.
C’était un reproche en même temps qu’un mensonge. Elle
connaissait parfaitement les subtilités des usages mongols. Ho Sa dut se
rappeler que cette femme avait grandi parmi les nombreuses autres filles de son
roi, elle était au fait des manières de la cour. Il se rassit.
— Il n’y a personne ici pour nous entendre, dit-elle d’un
ton léger, aggravant ses appréhensions. Vous craignez une conspiration là où il
n’y a rien. Je suis la deuxième épouse du khan, mère d’un de ses fils et de sa
seule fille. Vous êtes un officier de toute confiance et Yao Shu enseigne aux
autres garçons de mon mari la langue jin et les arts martiaux. Personne n’oserait
murmurer le moindre ragot sur nous. Si quelqu’un s’y risquait, je lui ferais
couper la langue.
Ho Sa dévisagea la femme délicate qui venait de proférer une
telle menace. Il ignorait si elle avait le pouvoir de la mettre à exécution. Combien
d’amis s’était-elle faits dans le camp grâce à son rang ? Combien d’esclaves
jin et xixia ? Il se força à sourire malgré le froid intérieur qui le
gagnait.
— Tout va bien, donc, dit-il. Trois amis qui boivent
simplement un excellent thé. Je finis mon bol avant de prendre congé.
Chakahai soupira et son expression s’adoucit. Étonnés, les
deux hommes virent des larmes briller au coin de ses yeux.
— Faut-il que je sois toujours seule ? Même vous, vous
me soupçonnez ? murmura-t-elle en cherchant manifestement à se reprendre.
Ho Sa n’aurait jamais osé toucher un membre de la cour xixia
mais Yao Shu n’avait pas cette inhibition. Le moine entoura de son bras les
épaules de la princesse, qui posa la tête contre sa poitrine.
— Vous n’êtes pas seule, répondit Ho Sa avec douceur. Vous
savez que votre père a prêté mes services à votre mari. Un moment, j’ai cru que
vous cherchiez à conspirer contre lui. Sinon, pourquoi nous auriez-vous fait
venir et auriez-vous renvoyé vos servantes ?
La princesse xixia se redressa, releva une mèche de ses
cheveux. Ho Sa avait la bouche sèche devant tant de beauté.
— Vous êtes le seul officier de mon pays dans ce camp, répondit-elle.
Yao Shu est le seul Jin qui ne soit pas soldat.
Refoulant ses larmes, elle poursuivit d’une voix plus forte :
— Je ne trahirai jamais mon époux, Ho Sa, ni pour vous
ni pour un millier d’autres comme vous. Mais j’ai des enfants et ce sont les
femmes qui doivent penser à l’avenir. Resterons-nous sans rien faire tandis que
l’empire
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