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Le seigneur des Steppes

Le seigneur des Steppes

Titel: Le seigneur des Steppes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Conn Iggulden
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Même s’il me prend une fille ou un fils, je
ne peux rien contre lui.
    Il attendit patiemment que Ho Sa eut fini de traduire pour
confirmer :
    — Oui, je les hais.
    — En arrivant, j’ai vu des pendus aux portes de la
caserne. Une quarantaine. C’est ton œuvre ?
    — J’ai réglé quelques vieux comptes, reconnut Chen Yi
en mongol.
    — Un homme doit toujours régler ses comptes, approuva
le khan. Ceux qui partagent ton opinion sont-ils nombreux dans cette ville ?
    — Ils sont innombrables, seigneur. Les nobles jin ne
sont qu’une élite qui domine une multitude. Sans leur armée, ils ne seraient
rien.
    — Si vous avez le nombre pour vous, pourquoi ne vous
soulevez-vous pas ? demanda Gengis avec une curiosité sincère.
    Chen Yi soupira, revint à la langue jin :
    — Des maçons et des mariniers ne font pas une armée. Les
familles nobles exercent une répression implacable au moindre signe de
rébellion. Il y a eu par le passé des tentatives de soulèvement, mais ils ont
leurs espions parmi le peuple et il suffit de collectionner des armes pour se
faire arrêter. Si jamais une insurrection prenait quand même forme, ils
feraient appel à l’empereur, qui enverrait son armée. Des villes entières ont
été détruites, par le fer ou par le feu.
    En écoutant Ho Sa traduire, il songea que le khan mongol ne
serait sans doute pas indigné par ce genre d’actes. Il faillit lever une main
pour interrompre l’officier xixia, se ravisa. Après tout, Baotou avait été
épargnée.
    Gengis écoutait en tâchant de se faire une opinion sur l’homme
qu’il avait en face de lui. Il avait imposé aux tribus l’idée d’une nation, mais
les compatriotes de Chen Yi ne la partageaient visiblement pas encore. L’empereur
régnait sur toutes les villes mais ses habitants ne le reconnaissaient pas
comme chef et ne se considéraient pas comme du même sang que lui. À l’évidence,
les nobles tiraient leur autorité de l’empereur et Chen Yi les haïssait pour
leur arrogance et leur richesse. C’était une donnée qui pouvait se révéler
utile.
    — J’ai senti leur regard sur mon propre peuple, dit le
khan. Nous sommes devenus une nation pour leur résister, non pour les écraser.
    — Et tu régneras ensuite comme eux ? demanda Chen
Yi.
    Quand il entendit l’amertume de son ton, il était trop tard pour
ravaler sa question. Les détours et les précautions habituelles de sa langue n’étaient
que de minces protections sous le regard de ces yeux jaunes. À son grand
soulagement, Gengis répondit en riant :
    — Je n’ai pas réfléchi à ce qui viendra après les
batailles. Je régnerai peut-être. N’est-ce pas le droit du conquérant ?
    Cette fois, Chen Yi prit le temps d’une inspiration avant de
répondre :
    — Régner, oui, mais le plus bas de tes guerriers se
rengorgera-t-il comme un empereur en marchant parmi les peuples conquis ? Leur
arrachera-t-il avec mépris ce qu’il n’a pas gagné ?
    — Les nobles, c’est la famille de l’empereur, non ?
Bien sûr que ma famille prendra tout ce qui lui fera envie. Les forts exercent
le pouvoir, Chen Yi. Ceux qui ne sont pas forts ne font qu’en rêver. Tu
voudrais que j’entrave les miens par des règles mesquines ?
    Chen Yi réfléchit longuement. Il avait passé sa vie à
espionner et à feindre pour empêcher qu’un jour l’armée de l’empereur le déloge
de la ville par le sang et le feu. Ce jour n’était pas venu. Il se retrouvait
au contraire face à un homme devant qui il pouvait parler librement. Jamais
plus il n’aurait une telle possibilité.
    — Je comprends ta position, mais ce droit sera-t-il
transmis à leurs fils, à leurs petits-fils et au-delà ? Si, dans cent ans,
une mauviette fait exécuter un jeune garçon, est-ce que personne n’osera
protester parce que cette mauviette est de ton sang ?
    Le khan demeura un moment immobile puis secoua la tête.
    — Je ne connais pas les nobles jin, mais mes fils
régneront après moi s’ils en ont la force. Dans cent ans, mes descendants
gouverneront peut-être encore et seront semblables à ces nobles que tu méprises.
    Il haussa les épaules, vida sa coupe et poursuivit :
    — La plupart des hommes sont des moutons.
    D’un geste, il devança les protestations de Chen Yi.
    — Tu en doutes ? Combien dans cette ville étaient
capables, avant mon arrivée, de rivaliser avec toi en influence et en pouvoir ?
L’idée même de commander les terrifie.

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