Le seigneur des Steppes
flèche dans la fosse.
Il eut à peine le temps de s’abriter sous un morceau de
planche. Une flèche lui écorcha le bras et il poussa un juron. Un seul de ses
dix hommes était encore en vie.
La distance entre les portes avait été délibérément réduite
pour qu’une dizaine d’hommes seulement puissent s’y tenir. Hormis ceux qui
maniaient le marteau avec une énergie désespérée, les autres s’abritaient comme
ils pouvaient sous leurs planches. Les flèches continuaient à pleuvoir et Süböteï
entendit des ordres dans une langue qu’il ne connaissait pas. Si l’ennemi avait
encore des pierres à leur jeter, l’assaut serait brisé avant que la porte cède,
pensa-t-il, luttant contre la panique. Il se sentait pris au piège. L’homme qui
était le plus proche de lui avait perdu son casque dans l’attaque. Avec un cri
de douleur, il s’effondra, le cou percé d’une flèche tirée presque au-dessus de
lui. Süböteï ramassa la planche dont l’homme s’était fait un bouclier et la
leva, la sentit vibrer sous les projectiles qui s’y enfonçaient. Les marteaux s’abattaient
avec une lenteur exaspérante mais, soudain, un des guerriers grogna de
satisfaction et le bruit changea lorsque des bottes se mirent à frapper le bois
fendu.
Le portail s’ouvrit, expédiant des hommes sur le sol poussiéreux.
Les premiers à entrer moururent aussitôt sous les carreaux d’arbalète tirés par
une rangée de soldats. Derrière Süböteï, les guerriers de Khasar franchirent la
porte à leur tour en enjambant les cadavres.
Süböteï n’arrivait pas à croire qu’il était encore en vie. Il
dégaina le sabre que Gengis lui avait donné et se jeta en avant. Les
arbalétriers n’eurent pas le temps de recharger et Süböteï tua son premier
ennemi d’un coup à la gorge. La moitié de ceux qui avaient pénétré dans le fort
étaient blessés et couverts de sang mais ils avaient survécu et ils exultèrent
en parvenant aux premières lignes de défenseurs. Quelques-uns des guerriers s’élancèrent
dans l’escalier en bois, découvrirent les archers qui tiraient encore dans la
fosse. Des flèches mongoles frappèrent les soldats xixia, dont aucun ne survécut.
L’armée de Gengis passa le portail, déferla dans le fort. La
première charge fut confuse. Jusqu’à ce que des officiers comme Arslan ou
Khasar en prennent la direction, Süböteï se sentit libre de massacrer autant d’ennemis
qu’il le pouvait tout en poussant des cris sauvages.
Sans Liu Ken pour organiser la défense, les soldats xixia
couraient en tous sens, pris de panique. Laissant son cheval dans la passe, Gengis
franchit le portail à pied. Son visage rayonnait de fierté tandis que ses
guerriers taillaient en pièces les soldats du fort. De toute leur histoire, les
tribus n’avaient jamais eu l’occasion de rendre les coups à ceux qui les
opprimaient. Gengis ne se souciait pas de savoir si les soldats xixia se
pensaient différents des Jin. Pour son peuple, ils appartenaient tous à la même
race abhorrée. Voyant que plusieurs défenseurs avaient baissé les armes, il
secoua la tête et cria à Arslan, qui passait devant lui :
— Pas de prisonniers !
Le massacre se poursuivit alors méthodiquement. Les soldats
qui se cachaient dans les caves du fort furent traînés dehors pour être
exécutés. Les morts furent empilés sur les dalles rouges d’une cour intérieure.
Un puits devint l’œil du cyclone, chaque guerrier à la gorge sèche trouvant le
temps d’étancher sa soif jusqu’à hoqueter. Ils avaient vaincu le désert.
Lorsque le soleil entama sa descente, le khan en personne s’approcha
du puits en se faufilant entre les piles de cadavres tordus. Les guerriers se
turent, l’un d’eux remplit le seau en cuir et le lui tendit. Quand Gengis but
enfin et sourit, les hommes poussèrent des acclamations qui résonnèrent jusqu’à
l’intérieur du bâtiment. Les guerriers avaient pénétré dans un dédale de pièces
et de couloirs étranges à leurs yeux. Telle une meute de chiens sauvages, ils
étaient parvenus à l’autre bout du fort, laissant les dalles noires
ensanglantées derrière eux.
Le commandant fut découvert dans ses appartements aux murs
tendus de soie et de tapis. Il fallut trois hommes pour abattre la porte de fer
et de chêne derrière laquelle Shen Ti se cachait, avec une dizaine de femmes
terrifiées. Lorsque Khasar pénétra dans la pièce, le Xixia tenta de mettre
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